Là-bas, il flotte un air d'aube du monde. Là-bas, c'est-à-dire partout où la marche du temps paraît comme abolie, où hommes, femmes et enfants sont rendus à une grâce et une sauvagerie premières. Ce peut être au Népal ou bien au Kamtchatka, peu importe, tant qu'il y a des forêts et des bêtes et, sur leurs traces comme à l'horizon, l'ample sauvagerie du monde. 

Un jour ou peut-être une nuit, dans l'obscurité dense d'une forêt népalaise, une femme, Mara, qui vit ou survit là, oubliée de tous, découvre deux enfants, un garçon, une fille, ligotés à un arbre. Elle les recueille, quitte son abri, sa cabane, au cœur des bois, pour la ville où ils apprendront que la plus grande sauvagerie ne se niche pas forcément ailleurs que dans le cœur des hommes. Il lui faudra, ainsi qu'aux enfants, payer le prix, terrible, de son humanité.

Vingt ans après, dans la forêt encore, au pied des volcans du Kamchatka, un groupe de chasseurs. Parmi eux, une femme, française, mutique et fascinante, Lior. Que cherche-t-elle dans la chasse, dans la traque, dans la mort (celle qu'elle inflige et peut-être aussi celle avec qui elle a rendez-vous) ? Quel mystère espère-t-elle dissiper, quel secret révéler ? Ce sont les questions que se pose l'homme qui l'aime et l'accompagne, son mari, Hadrien. Guidé par un vieil homme à la parole rare et sage, le groupe se lance à la poursuite d'un ours, dans la ferveur et la folie qui furent celles d'Achab et de sa baleine blanche. Mais qui fait l'ange et qui fait la bête lorsque, au bout de la nuit, humain et animal se confondent ?

Le lecteur retrouvera dans cet Animal, septième roman de Sandrine Collette, tout ce qui faisait le prix de ceux qui les précédèrent, de Des nœuds d'acier à Juste après la vague(Denoël, 2013 et 2018). C'est-à-dire d'abord la capacité à se saisir avec une belle frontalité des codes du thriller et à les porter comme à incandescence. Ensuite, et peut-être surtout, la nature n'est pas que son biotope (elle y vit, y élève des chevaux dans le Morvan), c'est également son biotope littéraire. Les romans de Sandrine Collette doivent être lus en quelque sorte, en cinémascope. Ses couleurs y sont éclatantes ; ses personnages y vivent et meurent en grand. Du Népal au Kamtchatka...