Les impressionnistes avaient inventé une nouvelle façon de peindre en juxtaposant deux taches de couleur pures afin de donner une impression de couleur mélangée. Elsa Fottorino procède de la même manière en composant une mosaïque de sentiments et de sensations, dont l'image n'apparaît pas forcément du premier coup d'oeil mais dégage une atmosphère d'étrangeté très cohérente qui vous enveloppe littéralement.
Une disparition, c'est l'histoire d'Hélène, une lycéenne qui se met à la recherche d'une camarade disparue et tombe en chemin sur l'ancienne flamme de sa prof de musique, un écrivain qui a le double de son âge et qui l'attire inexorablement. Dans son premier roman Mes petites morts (Flammarion), la >jeune héroïne éprise d'un garçon qui se refuse à elle, bien qu'il lui ait prouvé son amour, pense qu'il a quelqu'un d'autre dans sa vie. L'auteure, par le truchement de chapitres épistolaires, révélait que le garçon atteint d'une maladie incurable ne voulait pas risquer un amour dont la seule issue serait la mort. Ici encore, le mystère n'est pas celui qu'on croit. Hélène est persuadée que c'est l'ex-amant de Marie Dangerais qui a fait disparaître Anne-Lise. La trame policière n'est qu'une excuse pour parler des relations autrement plus complexes et mystérieuses entre les êtres. L'enquête devient filature d'amour. Tout le talent d'Elsa Fottorino consiste à faire écouter les non-dits de dialogues laconiques et à déployer tout le nuancier de l'âme humaine. Les liens assez asphyxiants entre Hélène et sa mère, Catherine, qui l'élève seule, ses fréquentations bancales avec des amies du lycée beaucoup plus aisées qu'elle, la jalousie aigre de Marie Dangerais qui ne souffre pas qu'une jeune fille gravite autour de Daniel Roche, et sa vie de couple ratée avec son mari, Jacques, qui eut le coup de foudre à l'occasion d'un bal où ils s'étaient rencontrés. Avec Une disparition, Elsa Fottorino signe une histoire d'amour en fuite, au charme discret d'un film de la nouvelle vague.