8 novembre > Essai Canada > Naomi Klein

On ne pourra pas dire qu’elle ne nous avait pas alertés. Mais il n’est pas sûr qu’avoir analysé très tôt et de manière percutante les mécanismes et les méfaits du néolibéralisme mondialisé apporte un quelconque réconfort à Naomi Klein. Le ton à la fois alarmiste et offensif de son nouvel essai est à la hauteur de l’angoisse qu’a exacerbée chez l’intellectuelle canadienne l’accession au pouvoir de Donald Trump. Plus concis que ses précédents best-sellers - No logo : La tyrannie des marques (2001), La stratégie du choc (2008) ; Tout peut changer : capitalisme et changement climatique (2015) -, écrit dans l’urgence, ce livre est à la fois une synthèse et un appel au sursaut général, une tenue idéologique de combat. Car Naomi Klein voit dans le président américain la figure emblématique de tous les fléaux qu’elle a dénoncés. Une effrayante "fiction dystopique devenue réalité". Indifférent aux questions environnementales, "marque suprême"…, le milliardaire incarne toutes les dérives d’un "capitalisme du désastre" qu’elle observe depuis les années 1990. Non un accident de l’histoire, mais l’aboutissement logique d’un processus à l’œuvre depuis un demi-siècle. La stratégie du choc, dont elle a donné de nombreux et édifiants exemples dans son essai du même nom, et qui consiste pour les dirigeants les plus puissants de la planète à exploiter les crises (guerres, attentats, catastrophes naturelles) pour mettre en place des mesures politiques et économiques sans concertation démocratique, est une manière d’exercer le pouvoir que Trump a, selon elle, portée à son paroxysme.

La première partie de l’essai, descriptive, est écrite comme un rappel, utile pour tirer des leçons et surtout être mieux armés pour le prochain choc. Car, comme le prévoit Naomi Klein, il faut se préparer au pire et le temps presse. Dans ce contexte, son titre l’affirme : "dire non ne suffit plus", c’est une résistance nécessaire mais cosmétique. Et c’est à une résistance active générale, sur la base d’un programme "populaire et progressiste" qu’en appelle l’activiste, plus radicale et plus optimiste aussi, paradoxalement, confiante dans l’élan général. Jouer l’utopie, la solidarité, le courage contre la peur, "oser rêver", "voir grand" pour tout changer. Plus de "petits pas" mais "un Bond vers l’avant" comme le formule le Manifeste pour un Canada fondé sur le souci de la planète et la sollicitude des uns envers les autres, rédigé en 2015 par une plateforme de militants de tous bords dans le cadre d’un "chantier collaboratif" et diffusé sur Internet, dont le texte clôt l’essai. Respect des communautés autochtones, des droits des femmes et des minorités, abandon total des énergies fossiles au profit des renouvelables, revalorisation du secteur public, mise en place d’un revenu universel de base pour plus de justice sociale…, cette ambitieuse feuille de route pose les bases d’une contre-offensive de choc. Véronique Rossignol

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