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La diatribe d'Hitler, dont le Land de Bavière détient les droits, tombera fin 2015 dans le domaine public. En Allemagne, où la publication des écrits nazis est interdite depuis 1945, l'éditeur britannique Peter McGee en publiera des extraits annotés sous forme de brochures dans les kiosques à partir du 26 janvier. En France, les éditeurs sont plutôt partisans d'une édition intégrale accompagnée d'un appareil critique.

UNE ÉDITION SCIENTIFIQUE INTÉGRALE EST INDISPENSABLE

"Je ne suis pas partisan d'une republication de cet ouvrage par extraits ou dans un format abrégé. Elle perdrait son intérêt historique et scientifique et risquerait de devenir un outil de propagande à bas prix.

En revanche, il ne me semble pas seulement souhaitable, mais indispensable, qu'une version intégrale de ce texte soit accessible en français en 2015, dans une édition scientifique digne de ce nom, soigneusement éditée par un collège d'historiens irréfutable, qui mette au point tant la contextualisation du corpus que son appareil critique. C'est dans ce sens que Fayard avait commencé avec Anthony Rowley à réfléchir à un tel projet, et que Fabrice d'Almeida a repris le dossier et sollicité les avis et le concours de plusieurs historiens français et étrangers. "

Olivier Nora, P-DG de Fayard et de Grasset

AFFRONTER L'ANTISÉMITISME ET S'INTERROGER SUR L'IMPACT DU LIVRE

Il faut evidemment publier mein kampf en raison de l'importance historique du texte. Aujourd'hui, il est disponible sur le Net ou dans des libraires spécialisées - les "fans" savent très bien où le trouver, mais c'est sans le vrai travail de mise en perspective qui serait nécessaire. Tout cela contribue à rendre le livre plus sulfureux et à lui faire une publicité assez mal venue. Accéder au texte originel dans une version non tronquée, c'est d'abord affronter l'antisémitisme le plus révulsant - que des horreurs puissent être publiées et rencontrer le succès, c'est une réalité, tragique en l'occurrence, et mettre un mouchoir dessus relève d'une naïveté un peu angélique. C'est aussi s'interroger sur l'impact qu'il a eu en son temps sur l'opinion allemande, quand le livre était présent dans la majorité des foyers (10 millions de lecteurs, si l'on en croit l'historien Ian Kershaw). Mais aussi en France où les polémiques autour de sa publication, de Maurras aux groupuscules néonazis, n'ont en fait jamais cessé. Ce livre doit exister chez un éditeur soucieux d'en donner une traduction exacte, une véritable édition critique."

Sophie Berlin, directrice du département des sciences humaines de Flammarion

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