Expansion de l'univers dumasien. L'œuvre romanesque d'Alexandre Dumas père (1802-1870) est considérable par son importance littéraire, et ses volumes ! On retrouve même régulièrement des textes oubliés, comme Le sphinx rouge (appelé aussi Le comte de Moret), publié en 1865-1866 dans la presse et paru en livre en 1946 seulement. Et d'ailleurs laissé inachevé mais riche en informations permettant d'établir un pont temporel entre les monuments dumasiens que sont Les trois mousquetaires, Vingt ans après et Le vicomte de Bragelonne.

L'universitaire Fanny Audibert, agrégée et docteur ès lettres, spécialiste du xix^e siècle, a bien sûr utilisé tout le matériau disponible afin de mener à bien son projet littéraire farfelu : composer un énorme pastiche du roman que Dumas n'a pas écrit, qui se glisse donc entre Les trois mousquetaires et Vingt ans après. Elle relève le défi avec un brio et une érudition remarquables. C'est simple, on pourrait prendre son diptyque (le tome II est annoncé pour le 7 octobre prochain) pour un vrai Dumas. Et Fanny Audibert, ce n'est pas un mince compliment, aurait pu figurer parmi les nombreux nègres du maître aux côtés du désormais célèbre Auguste Maquet.

Intitulé Le comte de Barcelone en référence au titre donné au roi de France Louis XIII en 1641 par les Catalans (ses alliés contre les Espagnols durant la guerre de Trente Ans), le roman s'ouvre en 1640 sur le siège d'Arras, alors possession espagnole, tandis que le roi établit ses quartiers à Amiens. Se développent ensuite trois intrigues, centrées autour de personnages familiers des lecteurs : d'Artagnan, convoqué par le cardinal de Richelieu, tout--puissant ministre, lequel l'envoie pour une mission secrète en Espagne, justement ; le jeune Cinq-Mars, favori capricieux du jaloux Louis XIII, qui se comporte comme un écervelé et qui complote ouvertement contre le cardinal, ce qui causera sa perte ; Savinien de Cyrano de Bergerac, que l'on retrouve au siège d'Arras puis à Paris où il fréquente les cercles scientifiques autour de Gassendi.

Les histoires sont habilement entremêlées, les chapitres, courts comme ceux des feuilletons, s'enchaînent avec moult rebondissements, dialogues (un peu longuets parfois), digressions et clins d'œil au lecteur. On retrouve même, au chapitre XXVIII, Aramis et Athos, père adoptif d'un certain Raoul, vicomte de Bragelonne, 7 ans à l'époque. Vite, la suite !