Dans Scènes de la vie conjugale d'Ingmar Bergman, on voit Marianne/Liv Ullmann et Johan/Erland Josephson, « à l'étroit, [...] irrémédiablement coincés dans ce lit conjugal », avec en fond un mur gris, uniforme, presque « [comme s']ils étaient littéralement dos au mur », analyse le narrateur du premier roman de Philippe Limon, Scène de la vie conjugale, justement. Mais « scène » au singulier, puisque, ici, il n'y en a qu'une - l'incipit qui subsume tout le récit, le moyeu autour duquel tournoient toutes les questions que le mari adresse à sa femme, comme à soi-même.
Le narrateur, parti trois jours à la montagne afin d'écrire un essai sur le film de Bergman, rentre chez lui. Au sortir de la douche, il va pour se coucher, traîne dans la salle de bains, se dit qu'il faudrait lancer une machine. Dans la panière, au-dessus des affaires à laver, en évidence, la culotte de son épouse maculée... de sperme. Fait exprès ? Il l'avait à peine quittée en train de lire au lit dans la pièce d'à côté. Que doit-il faire ? Que veut-elle lui signifier ? Il se met à compter les culottes sales : trois - correspondant aux trois jours d'absence -, dont celle qui fait pour ainsi dire tache dans la panière, symbole de leur ménage.
S'ensuit alors un interrogatoire. La femme passe vite aux aveux. Oui elle l'a trompé, avec cet homme qu'elle avait désiré du temps de l'université, et avec qui elle couchait de temps à autre. Il y a du Bergman dans ce huis clos matrimonial, mais on pense également à Harold Pinter, à Trahisons, pour la duplicité du langage, l'incommunicabilité, et surtout à Thomas Bernhard avec ce phrasé obsédant, cette logorrhée névrotique, atrabilaire. Une fiction virtuose sur la fatalité de l'adultère dans le couple.
Scène de la vie conjugale
Gallimard, « L’infini »
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 15 euros ; 168 p.
ISBN: 9782072829376