Voici un roman d’une folle ambition, dont le but, au final, n’est rien de moins que de rendre compte de notre époque en folie, de faire entrer le monde réel dans un parallélépipède de papier, comme un bateau dans une bouteille jetée à la mer. Daniel Rondeau, grâce à ses expériences sur le terrain méditerranéen, là où, depuis l’Antiquité, se joue encore le sort de la planète, ancien combattant au Liban, ex-ambassadeur à Malte, plaque tournante de la zone, ce qui lui a donné une vaste connaissance des dossiers géopolitiques, est l’un de nos rares écrivains à pouvoir risquer cette aventure littéraire, sans être insuffisant ni ridicule. Pari réussi, donc, pour peu que le lecteur dispose de temps, fasse preuve d’une attention soutenue, soit aficionado du Monde diplomatique et du Dessous des cartes, et n’ait rien contre les romans puzzles, avec une multitude de personnages plus ou moins connectés entre eux, d’intrigues parallèles qui finissent par se rencontrer, de chapitres qui sautent d’un endroit à l’autre : Egypte, Paris, banlieue, Tunisie, Libye, Malte… Tentons donc de synthétiser.
Le héros, le fil rouge au milieu de ce chaos, c’est Sébastien Grimaud, un archéologue français spécialiste de l’Antiquité, veuf tout jeune d’une Valentine qui s’est suicidée à 19 ans, qu’il n’a jamais oubliée. Bien plus tard, il se console, cependant avec Rim, une jeune Tunisienne assez mystérieuse, avec qui il partage sa vie, ses aventures et ses voyages, et qui, une fois en France, va finir par s’émanciper. Grimaud travaille avec nos services secrets : Bruno, le flic antiterroriste, fils de pieds-noirs, qui a été son étudiant à la Sorbonne, le commissaire Nguyen, ou encore Lambertin, le chef de la Villa, une barbouze de haut vol, qui finira par obtenir du pouvoir politique les coudées franches pour lutter contre le terrorisme, sous toutes ses formes. Grimaud, qui connaît tout le monde au Moyen-Orient, a été approché par Moussa et Levent, un Libyen esclavagiste et trafiquant de drogue, et un Turc fils d’un colonel de ses amis, pour participer à un vaste trafic d’antiquités. Grimaud fait semblant de se laisser corrompre, et joue un double jeu.
Pendant ce temps, Habiba, une jeune migrante somalienne, en provenance de Libye, finit par accoster à Malte avec son frère, lequel ne survivra pas. Harry, un brave gamin noir de banlieue, doué pour le slam, fait semblant de travailler pour le caïd local, M’Bilal, mais aide en fait la police. Et Sami, fils d’un immigré algérien devenu businessman, radicalisé, s’apprête à passer à l’attaque… On n’en dira pas plus. La suite, celle-là ou une autre, sera demain dans tous nos quotidiens. J.-C. P.