Une image d'un autre temps orne la couverture du livre : une gamine souriante, arborant des tresses blondes, des yeux bleus, un col claudine et un petit pull rouge. A priori, rien d'inquiétant si ce n'est qu'elle prend tout son sens à travers le récit de Heidi Benneckenstein, autrefois nommée Heidrun Redeker. « J'ai passé les dix-huit premières années de ma vie avec des nazis. J'ai été élevée, préparée à la vie, battue, harcelée, louée, récompensée par eux. » Le ton est donné.
« Quand on veut effacer des parties de sa biographie, il faut repartir de zéro. » Heidi a, au contraire, le courage de se regarder en face. Parfois, elle a honte de celle qu'elle a été, mais quand on naît dans une famille néonazie, on n'a pas le recul nécessaire pour la critiquer. La jeune femme s'est désormais détournée des siens. Un chemin long et déchirant. Car au départ, elle est élevée dans « la fierté de [s]a patrie et la haine de tous ceux qui la menaçaient ou qui la dénigraient ». L'Allemagne comme Nation suprême... « Je vénérais Adolf Hitler. Mais mon héros à moi était Rudolph Hess, un grand homme au-dessus des faiblesses humaines. »
A la maison, ça ne rigole pas. Les parents se déchirent, tout en martelant l'idéologie nazie dans la tête de leurs quatre filles. A l'école, Heidi se sent en perpétuel décalage. Pourquoi semble-t-elle si différente des siens et des autres ? Elle repousse les doutes, tout en percevant leurs picotements. A l'heure où la plupart des enfants s'éclatent chez les scouts, elle passe ses vacances dans des camps paramilitaires. Bienvenue dans ces « sociétés parallèles d'extrême droite, au XXIe siècle ». Des sociétés évoluant, quasiment en toute impunité, sur le continent européen. Des sociétés qui profitent d'Internet, des réseaux sociaux et des failles politiques pour s'installer durablement et attirer les jeunes. « Le terreau des idées de la droite extrême est presque toujours la frustration personnelle. » Une radicalisation qui n'est pas sans rappeler l'islamisme, y compris dans le rôle limité attribué aux femmes.
« Ma fascination pour le national-
socialisme était plus forte que le désir d'amitié, d'amour, de réussite professionnelle », explique Heidi. Objectif ? Bâtir un nouveau Reich. La Shoah n'étant qu'une « fiction », tout déni est permis. Loin de se cantonner à sa propre histoire, la jeune femme dresse le portrait de cet univers qui ne correspond guère aux clichés véhiculés. On peut sembler irréprochable tout en revendiquant les idées les plus nauséabondes. On peut être un nazi rappeur, raveur, hipster. Heidi tombe d'ailleurs amoureuse d'un chanteur phare - Felix Benneckenstein -, mais au fil des événements, ils vont percevoir le côté effarant de leur idéologie.
Le constat leur brûle les doigts, or comment quitter de tels groupuscules ? Ils pensaient partager « un lien à vie, une communauté à laquelle ils se vouaient corps et âme ». Devenir des « traîtres » ne va pas de pair avec l'impunité la plus totale. Actuellement voué à l'éducation et à la déradicalisation, le duo réfute le nazisme et toute forme d'extrémisme. Heidi trouve non seulement le courage de témoigner, mais elle espère surtout que ce livre éveillera les consciences. « L'idée de l'écrire s'est imposée à moi. Pendant presque vingt ans j'ai été du mauvais côté, j'ai défendu une vision du monde caricaturale. Je voudrais éviter de répéter mes erreurs. » Et permettre aux nouvelles générations d'être plus tolérantes.
Coupable en toute innocence : j'ai grandi parmi les néonazis
Liana Levi
Tirage: 6000 ex
Prix: 19 EUR
ISBN: 9791034900619