Voici un livre d’histoire qui permet de comprendre l’héritage du pape François. Cette volonté d’être près des pauvres, de prôner la justice tout en restant conservateur sur les valeurs de l’Eglise, c’est ce que firent les Jésuites dans le sillage des conquistadors. Ils arrivent à la fin du XVIe siècle avec une stratégie différente des autres congrégations (Dominicains, Franciscains ou Augustins) qui ont déjà commencé la conquête spirituelle et se sont aperçues que celle-ci soulève des problèmes politiques et économiques autant que théologiques.
Pour les disciples d’Ignace de Loyola, l’évangélisation passe par la compréhension de la culture, des traditions, des langues indiennes et par une indépendance vis-à-vis du pouvoir colonial, ce qui déplut à la Couronne espagnole qui expulsa les Jésuites au XVIIIe siècle. Sur trois siècles, Bernard Lavallé (Sorbonne Nouvelle Paris-3) décrypte le trinôme évangélisation-pouvoir-culture. Il montre l’antagonisme entre les deux clergés (séculier et régulier) et l’influence des ordres religieux sur les peuples indiens et sur la construction d’une identité dans la société coloniale hispano-américaine qui conduira aux guerres d’indépendance de 1810 à 1824.
En prenant les ordres religieux comme observatoires des mutations de l’ancien Empire espagnol d’Amérique, l’auteur propose un regard neuf sur l’apport de la religion chrétienne au cœur des peuples indiens. Une empreinte que l’on retrouve dans l’esprit latino-américain avec ce mélange d’innovation dans la tradition. Laurent Lemire
