7 SEPTEMBRE - BD France

Photo MARC-ANTOINE MATHIEU/DELCOURT

Le nouvel album de Marc-Antoine Mathieu comprend soixante-six planches carrées de neuf cases tout aussi carrées et d'égale dimension, plus une planche de huit, et il n'y a là rien que de très banal. Mais, de manière plus inattendue, ces 602 vignettes muettes ne détaillent en tout et pour tout qu'un laps de temps de trois petites secondes, le temps d'un cri ou d'un coup de feu. Plus surprenant encore, le dessinateur parvient à y ramasser toutes les données nécessaires à une enquête quasi policière, à laquelle il convie le lecteur. Il propose ainsi une performance graphique et ludique tout à fait inédite.

Marc-Antoine Mathieu arrache à l'espace-temps planétaire une microtranche de vie terrienne à l'instant dramatique où, dans une ville de Suisse, un assassinat est sur le point de se commettre. Il est difficile de détailler l'intrigue sans priver le lecteur du plaisir de son décodage, qui constitue le premier intérêt de cette oeuvre étrange et envoûtante. Disons qu'elle traite d'un complot et de corruption dans l'univers du football international, et aussi que, comme dans tout polar qui se respecte, les apparences y sont souvent trompeuses.

Précisons surtout que c'est un simple photon, invisible et silencieux, qui joue le rôle du guide. A la vitesse de la lumière - quelque 300 000 kilomètres par seconde, faut-il le rappeler ? -, il éclaire et même illumine la scène du drame en la parcourant en tous sens du dedans au dehors, du plus près au plus lointain, jusqu'aux confins de l'espace interstellaire. Le voilà qui ricoche et rebondit sur un oeil, une ampoule, un miroir ou... un satellite. Le voici qui explore les reflets dans leur tréfonds, dévoilant sans cesse des aspects nouveaux d'une problématique qui nous échappe toujours plus ; qui se déforme à mesure qu'elle prend forme.

Comme dans les autres oeuvres de l'auteur, au premier rang desquelles la série des aventures de Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves (dont L'origine, Le processus ou La 2,333e dimension), le fil narratif est servi par la précision presque mathématique du dessin, toujours en noir et blanc. Angles, perspectives, proportions, ombres et contrastes sont soigneusement ciselés, jusque dans leurs déséquilibres, qui font penser aux fameux dessins du Néerlandais Maurits Cornelis Escher (1898-1972), qui affichait un style graphique d'une extrême rigueur pour représenter des constructions impossibles.

L'ouvrage est livré avec un code qui donne accès gratuitement à sa version numérique sur le site de Delcourt. Une occasion de prolonger l'expérience. Les plus extrémistes pourront même faire fonctionner le puissant zoom graphique de Marc-Antoine Mathieu à sa vitesse réelle, et s'offrir, au rythme de 200 images/seconde, un flash de trois secondes chrono.

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