Il n'est jamais trop tôt pour apprendre à philosopher. C'est aux tout-petits que Bernadette Gervais administre sa leçon sur le temps en le découpant en quatre moments et quatre cases, décomposant ainsi mouvements et métamorphoses qui affectent les êtres vivants comme les éléments naturels. Ainsi, avant d'être une belle fleur éclatante, le joli coquelicot est d'abord un bouton qui s'ouvre. Après la floraison il finit en pistil solitaire et plein de graines. Le nuage, lui, est d'abord à gauche de la maison, puis au-dessus, puis à droite avant de disparaître lentement de la page. La pomme, avant d'être fruit, était d'abord fleur. De même le papillon est né de la transformation de la chenille en chrysalide. Dans certaines pages, quelques secondes seulement séparent la quatrième case de la première. Ainsi la pomme devient très vite trognon. Dans d'autres, il faudra un temps de maturation beaucoup plus lent comme pour l'œuf qui se transforme en poule.

Bernadette Gervais accorde une attention particulière à l'escargot qu'elle invite à trois reprises dans son album, tant il faut de temps à ce gastéropode pour traverser un espace et disparaître du champ de vision. L'opération ne nécessite pas moins de douze cases. Le chat, lui aussi, revient deux fois. Dans l'une il apparaît puis s'en va, on ne voit plus que sa queue. Dans l'autre, il revient et traverse les cases mais en sens inverse.

Chaque image au pochoir est épurée et prend son sens par rapport à l'ensemble des quatre cases. On déclare un faible pour cet album qui est à la fois beau livre, éloge de la lenteur, réflexion sur le devenir et jeu sur les échos.