Récit/France 18 avril Chantal Thomas

Peut-être n'attendait-on pas cela d'elle. De passer ainsi, dans cette fluidité qui lui est un passeport littéraire, comme l'on découle, de Marie-Antoinette à Allen Ginsberg. C'est mal la connaître, c'est-à-dire mal l'avoir lue. Ce qui chez Chantal Thomas demeure, à travers chaque livre, à travers chaque genre, c'est d'abord l'affirmation de sa liberté souveraine, dans l'écriture aussi. La liberté de se promener dans les contre-allées de l'histoire, de sa mémoire, de ses désirs, de s'y perdre et d'y retrouver toujours, d'abord, la littérature.

Où ça ? Cette fois-ci, ce sera dans une ville, un pays, un sentiment, un horizon, un univers tout de verticalité, de tumulte et de nuits. New York, donc. Chantal Thomas avait 20 ans et sous le bras une thèse sur Sade passée sous l'égide de Roland Barthes. Elle croyait comme on le fait à cet âge-là au voyage et à l'amitié. Elle n'a pas changé d'avis. Il y eut alors l'Espagne, l'Afrique du Nord, Djerba, Amsterdam, les confins de la Libye, Calcutta... Et puis donc, par un jour de brouillard, la bien nommée statue de la Liberté. Elle y trouve là enfin comme un air de jamais vu, déjà espéré. C'est moins la ville des buildings étalant sa richesse qui la retient qu'un quartier qui en est à la fois comme le remords et l'identité secrète : l'East Village. Qu'y trouve-t-elle d'autre qu'elle-même, en puissamment, en joliment, exagéré. C'est encore l'heure des fêtes, du désir qui circule librement, des tentations hédonistes qui ne se donnent pas le mauvais genre de se revendiquer comme telles, des nuits blanches, des aubes glorieuses et de l'espérance des grands soirs. De rencontres, en boîtes pour dames qui aiment les dames et la révolution, en passant par des appartements de passage, des soirées poétiques où le verbe se fait musique, la jeune dix-huitiémiste s'aperçoit qu'il n'y a pas loin entre elle et les pères tutélaires de ces rivages tant aimés, la Beat generation, Ginsberg, Kerouac, Cassady, Corso et tous ces perdants magnifiques... Bref, elle s'amuse. Bref, elle plaît, s'y plaît, se plaît. Tant il n'y a toujours que le plaisir de sage.

Quarante ans plus tard, c'est l'objet de ce livre, là revoilà. Telle qu'en elle-même, New York changé, gentrifié, elle au moins, demeure. Tout s'est dissipé, mais le temps est retrouvé. Et le lecteur, en ces pages enchantées, de lui dire : « Madame, vous aviez raison. »

Chantal Thomas
East Village blues
Seuil
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 21 euros ; 208 p.
ISBN: 9782021406924

Les dernières
actualités