La quasi totalité des membres de la SDJ du Journal du dimanche (JDD), près de cent journalistes, est en grève depuis le 22 juin pour s'opposer à la nomination de l'ancien directeur de rédaction de l'hebdomadaire d'extrême-droite Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune. Le mouvement a été soutenu par Erik Orsenna, Philippe Delerm, Marie Darrieussecq, Tahar Ben Jelloun et Nicolas Mathieu dont les textes ont été publiés sur le site du JDD.
Outre les personnalités publiques, journalistes, abonnés et lecteurs, les soutiens aux journalistes du JDD sont aussi venus du monde littéraire. L'académicien Erik Orsenna évoque dans son court texte sur le site de l'hebdomadaire, l'arrivée d'un « Ogre original dans l’espèce des Ogres car sa nourriture à lui, c’est la liberté des autres ». L'auteur fait référence à Vincent Bolloré, qui « prouve une fois de plus, que du Grand Remplacement c’est lui l’ordonnateur ».
Si Arnaud Lagardère nie toute implication de Vincent Bolloré dans cette prise de décision, la SDJ du JDD explique que « tout indique qu’[elle] porte la marque de Vincent Bolloré, actionnaire majoritaire du groupe Lagardère et en passe d'en prendre le contrôle ». La filiale communication et médias Vivendi du groupe Bolloré a été autorisée par la Commission européenne à fusionner avec la holding industriel et médiatique Lagardère en juin 2023 en échange de la vente du magazine Gala et du groupe Editis.
L'écrivain Philippe Delerm évoque lui une rencontre marquante avec la journaliste Marie-Laure Delorme du JDD qui préparait son portrait. « Marie-Laure Delorme m’avait confié avoir trouvé obscène la question d’un écrivain célèbre aujourd’hui disparu [...] qui lui avait demandé quel était le tirage du JDD. Une journaliste blessée qu’on lui parle de tirage, un écrivain lassé qu’on lui parle d'un livre en évoquant toujours le nombre d’exemplaires vendus : nous étions sûrement faits pour nous comprendre, au sein du jeu médiatique. »
« Valeurs essentielles »
Marie Darrieussecq expose franchement son point de vue : « Le JDD aux mains de l’extrême droite, c’est un cauchemar. Je lisais le JDD avec une affection qui n’empêchait pas des désaccords, en confiance. [...] Je souhaite que ce journal reste dirigé et écrit par des humains conscients que nos valeurs essentielles n’ont rien à voir avec celles que [Geoffroy Lejeune] et Bolloré représentent. »
L'auteur Tahar Ben Jelloun explique que « l’extrême droite a toujours eu le même réflexe : contrôler la culture. [...] La culture, ça ne se contrôle pas, ça ne se soumet pas à des censures, ça échappe à la laideur et à la médiocrité de ceux qui veulent en réduire l’existence. C’est l’autre oxygène dont ont besoin toutes les sociétés. »
Enfin, Nicolas Mathieu se moque avec causticité de Geoffroy Lejeune : « Il faut admettre que votre bonhomme au cul cousu d’or est, comme Savonarole ou Goebbels, un type de haute conviction. Il a vidé Canal comme un poulet. On se demande la manière dont vous allez récurer le canard où l’on vous catapulte. On s’amuse, on rigole, mieux vaut ça que crever, même si ça n’empêche pas. En tout cas, il se mitonne ces temps-ci une pente certaine dont cette vieille chiasse de nation a bien la nécessité. »
La multinationale de transport, de logistique, et de communication Bolloré détient aussi le groupe Canal + (C8, Canal+, Cnews, Cstar), les titres Voici, National geographic, Femme actuelle via le groupe Prisma media, et les radios Europe 1, RFM et Virgin radio.