Découvrir le centre écologique de Terre vivante se mérite. Niché à plus de 750 mètres d'altitude au cœur du Trièves, à 50 km au sud de Grenoble, le lieu ne se révèle qu'au terme de longues routes sinueuses traversant des paysages bucoliques. Sur place, l'horizon se pare de montagnes et de forêts. Seuls quelques gazouillis d'oiseaux, un léger clapotis d'eau et les conversations de l'équipe viennent troubler la quiétude de l'endroit. C'est dans ce cadre paisible que Terre vivante a élu domicile voilà trente ans. « Nous avons acheté, pour un euro symbolique à la ville de Mans, une vieille réserve de chasse dont la ferme avait brûlé au début du siècle », raconte Agathe Béon, attachée de presse.
Sur les 50 hectares de zone forestière qui composent le domaine de Raud, dont six ont été aménagés, l'écologique se vit au quotidien. Les bâtiments, locaux professionnels et d'accueil ou hébergement du public, ont été construits ou réhabilités « en accord avec les matériaux et les techniques les plus écologiques de l'époque », souligne Agathe Béon. Des panneaux solaires permettent à la Scop d'être quasiment autonome en électricité. Des mares sont régulièrement creusées par les jardiniers et ont notamment permis le développement des crapauds sonneurs à ventre jaune, une espèce en voie de disparition sur l'ensemble du territoire français. Les membres de l'équipe, dont la majorité est associée de la Scop, optent pour des trajets en covoiturage. La liste est longue.
Questionnements
Pour Terre vivante, qui réunit à la fois le centre écologique, le magazine Les 4 saisons et la maison d'édition, lier une production journalistique et éditoriale tournée vers l'écologie pratique à un engagement concret en faveur de l'environnement fait sens. La maison, première à avoir réalisé en 2011 une analyse du cycle de vie de sa production, a principalement recours à du papier recyclé - et totalement pour la fabrication des 4 saisons - et des encres végétales. - Bien que le papier recyclé « ne soit pas la panacée, puisqu'il nécessite l'injection de fibres vierges », pointe la directrice éditoriale Brigitte Michaud. Les formats sont rationalisés, la pagination soigneusement pensée, les tirages optimisés. Des attentions devenues « assez évidentes », estime Brigitte Michaud. Accompagnée de sa responsable de fabrication Marie Décamps, l'éditrice travaille aussi sur le grammage afin de réaliser « des économies de papier, de poids et de transport ». La maison a aussi fait « le choix d'imprimer au plus près, quitte à payer un peu plus cher », de grouper au mieux sa fabrication et d'éviter à tout prix « de générer du transport sur mesure à la manière d'Amazon. Une livraison en 72 heures est bien suffisante », déclare Brigitte Michaud.
Si Terre vivante a tout d'un bon élève, son équipe n'en reste pas moins sujette à de multiples questionnements. « L'écologie est une affaire de compromis, pointe le directeur général Olivier Blanche. Sans pouvoir l'atteindre, nous cherchons à tendre vers l'exemplarité. » En écho, Marie Décamps l'assure : « Il n'existe pas de solution miracle, nous devons peser et penser chaque livre. » La responsable de fabrication se tient néanmoins toujours prête à « renoncer à des choix esthétiques par souci écologique ». Parfois, ce choix est complexe. La maison a par exemple recours au pelliculage pour ses ouvrages pratiques. « Le livre devient plus durable, il est moins retourné et pilonné », constate Brigitte Michaud.
Expérimentations
Consciente de la difficile alliance entre engagement écologique et production industrielle, Marie Décamps est à l'affût de toute nouvelle option. « Si de nouvelles solutions émergent, nous ne voulons pas passer à côté : faire l'étude de chaque nouvelle alternative est intégré dans notre raisonnement au quotidien », assure-t-elle, alors en cours de réflexion sur le conditionnement de la production ou encore sur l'éventuelle utilisation d'un nouveau papier en partie fabriqué à partir de tonte de pelouse.
Profondément engagée, la vingtaine de personnes que compte l'équipe partage continuellement ses trucs et astuces et nourrit ensemble sa réflexion. Le tout en s'imprégnant de son lieu de travail. Docteur en biologie forestière et responsable des jardins du centre écologique, Pascal Aspe mène, au moment de notre visite, une expérience sur les greffes sauvages. Et après avoir retrouvé la trace d'anciennes vignes, il tente d'en cultiver une douzaine de variétés afin de proposer des alternatives aux traitements chimiques. Des expérimentations qui pourront peut-être donner lieu à des publications dans le magazine ou la maison d'édition, tout comme la construction du centre avait par exemple ouvert le catalogue de Terre vivante à la thématique de l'habitat écologique. Circulaire et vertueux, l'écosystème Terre vivante.