Avec la complicité d’un Régis Debray d’abord perplexe, puis amusé, Alexandre Franc propose une réflexion originale sur la figure paternelle et celle du maître à penser. Le dessinateur éprouve une sincère et puissante admiration pour l’écrivain et philosophe. Le côtoyant il y a vingt ans dans un TGV Paris-Lyon, il n’avait osé échanger avec lui que quelques mots. Mais lorsqu’il y a deux ans, sur le site Actua BD, Régis Debray se dit « tout à fait partant pour faire une bande dessinée », il n’hésite plus à le contacter.
L’objectif d’Alexandre Franc ne lui apparaît pourtant pas d’emblée très clairement, et ce sont d’abord ses tâtonnements, ses recherches sur la manière d’aborder cet intellectuel chéri - représenté fort à propos sous les traits d’un matou très moustachu - et ses idées qui nourrissent l’album. Cher Régis Debray tient moins de la correspondance suggérée par le titre que de l’introspection. Confronté aux planches où le dessinateur évoque autant l’œuvre du maître, souvent cité, que sa propre vie avec sa femme et sa fille, la naissance de son deuxième enfant, ses préoccupations et ses fantasmes, Régis Debray répond pourtant, d’abord brièvement, puis plus longuement.
Ses cinq lettres discrètes suggèrent, explicitent ou réorientent le travail du dessinateur. Alexandre Franc traite parmi mille autres choses plus prosaïques de la France, de la mémoire et de l’engagement, du patriotisme. Mais il a le bon goût d’éviter la grandiloquence et ne se départit pas d’un solide sens de l’humour, qui lui inspire de multiples trouvailles graphiques.
F. P.