Sophie Avon, critique de cinéma au quotidien Sud-Ouest et au "Masque et la plume", a déjà parcouru le temps décisif de la jeunesse dans des romans d’apprentissage inspirés de sa propre biographie. Après Les belles années (2010) et Les amoureux (2012), liés par le personnage de la jeune Sonia, provinciale apprentie comédienne à Paris, Le vent se lève, son onzième livre, revient au début de la décennie 1980 sur un autre passage initiatique : une traversée de l’Atlantique à la voile, des côtes françaises au Brésil.

La narratrice, Lili, 22 ans, déjà aperçue enfant dans Ce que dit Lili (Arléa, 2007), sa meilleure amie et son frère aîné Paul - "chaque fibre de sa personne est dédiée à la mer" - appareillent un mois d’août sur Horus, "un quillard de 1974" d’une dizaine de mètres pour un voyage de plusieurs mois prévu de longue date. La récente rencontre avec Vincent, professeur à Bordeaux où vivent, séparés, les parents de la jeune femme depuis leur arrivée d’Algérie en 1962, n’a pas retenu celle qui "n’a aucune idée de ce qui [l’]attend ni de la façon dont ce périple éclairera [sa] vie".

On suit la navigation vers les tropiques parfois jour par jour : les routes, les escales (les Canaries, Dakar, Recife, Salvador, Rio, Ilha Grande), les rencontres en chemin. Partir puis revenir - ce que fera Lili prématurément, après six mois de pérégrinations -, les deux décisions sont difficiles car la voyageuse oscille, indéterminée, entre deux mondes, deux choix également frustrants. Au Brésil, le manque de celui qu’elle a laissé à quai de l’autre côté l’empêche de jouir pleinement de sa liberté. Rentrée, la nostalgie de "la vie de pêche et d’eau fraîche", de la complicité fraternelle, d’un certain goût du paradis plombe le quotidien désœuvré. Pour évoquer cette flottante Lili, Sophie Avon a l’écriture claire, précise sans être jargonneuse. Elle n’abuse ni de l’exotisme, ni du côté baroudeur du récit de marin : la traversée est tout aussi intérieure que maritime. Véronique Rossignol