Visuelle

C'est ainsi qu'Anne Révah se décrit, et écrit - par le truchement de la vision. Elle voit et elle retient tout. Surtout avant, lorsqu'elle était hypermnésique. « Je pouvais me rappeler précisément un film, la séance à laquelle une amie et moi étions allées il y a vingt-cinq ans. Je n'omettais aucun détail. » Puis il y a eu cette abyssale mélancolie où elle a sombré, les électrochocs... S'ensuivirent des trous de mémoire. Aujourd'hui elle relit ces auteurs dont elle n'a plus de souvenir et dont elle avait lu, plus jeune, méthodiquement, l'œuvre dans son intégralité. Sa propre écriture, elle, garde une grande qualité visuelle, qui n'est autre que cette aptitude à capter les impressions dans l'instant.

Secret

Même si La femme qui est dans mon lit est un roman noir - « je voulais m'essayer à ce genre » -, comme dans les ouvrages précédents, on goûte sa plume sensible, une écriture de l'intime où l'autrice réussit à faire vivre les scènes depuis l'intériorité des personnages. Intimus en latin, c'est l'intérieur de l'intérieur, ce qu'il y a de plus secret et qui n'appartient qu'à soi. Psychiatre, mariée, deux filles, Anne Révah longtemps avait eu un secret. Un jour, elle a rencontré une consœur médecin, devenue sa compagne.

Double

Le mot lui-même apparaît duplice. Être double, c'est ce qu'on montre et qu'on n'est pas. C'est ce que désirait dépeindre Anne Révah dans son nouveau roman : « C'est cette conviction d'être au plus près de quelqu'un et de découvrir page après page qu'elle est autre. Claire [l'héroïne] elle-même ne se connaît pas parce qu'elle change sa voix selon l'interlocuteur. » Double, c'est aussi avoir un double, un alter ego, une âme sœur.

Fusion

Pour d'aucuns, c'est la finalité de l'amour à deux ; pour d'autres, le repoussoir empêchant que se maintiennent l'espace du désir et l'attirante altérité, carburant de l'union. Anne Révah, quant à elle, appartient à la première catégorie. « C'est chez moi une fantaisie forte qui ne correspond pas à la réalité de la vie telle qu'elle est. Le couple de jumeaux est à mes yeux l'accomplissement parfait. » Aussi la fusion revient-elle dans ses romans, tel un leitmotiv : « C'est l'idée de se comprendre complètement, qu'il n'y ait pas d'écart. »

Liste

« Je me fais des petits mots. » Est-ce une façon de mettre de l'ordre dans le chaos du réel ? Pas vraiment, juste une manière de fonctionner. Anne Révah a toujours établi des listes, à l'instar de son personnage Sam, le jumeau de Claire dans le livre, qui griffonne « ses humeurs, ses envies, ses peurs » dans des feuilles pliées. Il s'agit de noter des idées, d'épingler ces images fugitives qui volettent dans l'œil de l'âme avant qu'elles s'évanouissent à jamais.