Nouvelles/France 13 février Gérard Oberlé

On avait laissé Claude Chassignet, le héros fétiche de Gérard Oberlé depuis ses débuts romanesques dans Nil rouge (Cherche Midi, 1999), nous donner de ses Bonnes nouvelles en 2016 (Grasset), dans un recueil qui valut à l'auteur un prix de l'Académie française. Depuis, bernique. Chassignet, peut-être, était reparti s'installer au Caire, ville climatiquement plus clémente que son Morvan d'adoption, et où l'on peut rencontrer plus de créatures improbables, comme ce Volodia, héros de la deuxième histoire du livre, la plus longue, presque une novella. Un type vraiment bizarre, mais un compagnon de la Légion, même devenu un parasite mythomane, ça ne se laisse pas tomber. C'est une forme de fraternité qu'Oberlé lui-même pratique depuis les errances de sa folle jeunesse.

On est donc bien contents de voir revenir le duo Oberlé-Chassignet, dans cet Heptaméron. Rappelons, pour ceux d'entre nous qui ne possèdent pas la même érudition que l'ancien libraire bibliophile du manoir de Bron, que c'est là le titre d'un recueil de nouvelles inachevé que la reine Marguerite de Navarre, grand-mère d'Henri IV, composa sur le modèle du Décaméron de Boccace, et qui comporte soixante-douze histoires ou contes plutôt lestes et réalistes. Oberlé, soi-disant à la demande d'une de ses lectrices assidues, s'est piqué au même jeu, attelé au même exercice, mais divisé par dix.

Sept histoires seulement, et pas particulièrement grivoises. Vénus est ici un peu délaissée au profit de Bacchus : rarement on a autant picolé dans un livre, rarement on s'est autant régalé des recettes quelque peu caloriques de Mimi Larroque, l'irremplaçable nounou de Chassignet. En revanche, finis les somptueux havanes : proscrits par la Faculté.

L'érudition, elle, est toujours au rendez-vous, ainsi que les souvenirs d'amis très chers, récemment disparus : comme Jean-Claude Pirotte, ou Jim Harrison. Ce dernier, reconnaît Oberlé, aurait trouvé toutes ces stories « very sad ». Il est vrai que l'on y calanche pas mal, que l'on y tue beaucoup, au couteau (ce cinglé de Galmiche) ou à la strychnine (Suzie Mangold, au cours d'une nouvelle désopilante sur les salons du livre). Alors, conscient de la tonalité un peu sombre de son ouvrage, Oberlé nous offre, en guise de dessert, une fantaisie réjouissante sur un certain Roi Bondoufle, souverain héréditaire d'Essonie, en son château de Courcouronnes. Dans le bassin, une sirène à qui l'auteur, visiteur assidu, prodigue ses soins délicats. D'autres peignent bien la girafe, et d'autres encore sont bien, comme Oberlé après Jean Raspail, consuls honoraires de Patagonie. C'est beau comme du Pierre Dac.

Du coup, on attend la suite des aventures de Chassignet, requinqué par toutes les libations auxquelles il s'est adonné dans ce livre, à déguster, lui, sans modération aucune.

Gérard Oberlé
Heptaméron avec chardonnay
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18 euros ; 216 p.
ISBN: 9782246819745

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