Bien connu des attachées de presse qui le disent à l’écoute, Stéphane Beaujean a pris le 1er septembre la direction artistique du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (FIBD). Il faisait déjà partie du triumvirat qui a succédé à Benoît Mouchart en 2013, mais il est désormais seul aux commandes. Un poste miné qui l’oblige à "un devoir de représentation", précise-t-il. Nommé dans un "climat de tension, j’essaie de remettre le festival dans une position de dialogue".
Ce Parisien de 40 ans, père d’une petite fille, baigne dans la bande dessinée depuis l’enfance, biberonné au Journal de Mickey, à Strange ou Pif gadget. Titulaire d’un DEA de littérature comparée, Stéphane Beaujean débute une thèse sur l’autobiographie en bande dessinée auprès de Philippe Lejeune. Pour financer ses études, il travaille pour des librairies spécialisées à Paris, celles du réseau Album où il est "libraire volant", car il est alors déjà très éclectique dans ses connaissances, ainsi que dans une petite librairie d’occasion du Quartier latin, Aaapoum Bapoum. Son propriétaire lui propose de s’associer et de financer l’ouverture d’une deuxième librairie. Celui qui se destinait à l’enseignement universitaire change de voie. "J’enseignais en banlieue, d’où je viens, et commençais à douter de ma trajectoire. Cette proposition m’a fait dévier." Aujourd’hui il est toujours cogérant des deux libraires. Il va devoir déléguer un peu plus aux huit salariés qui y travaillent.
Valoriser le manga
En parallèle, Stéphane Beaujean développe une activité de critique pour la presse culturelle (Les Inrockuptibles, Trois Couleurs, Kaboom), de commissaire d’exposition et de conférencier dans le domaine de la bande dessinée. C’est à travers cette activité qu’il a commencé, il y a une dizaine d’années, à collaborer avec le festival. Aujourd’hui, il suspend ses piges et vient de quitter la rédaction en chef de Kaboom, édité par Benoît Maurer (à la tête des éditions IMHO).
Les éditeurs et leurs équipes, il les côtoie donc depuis longtemps. Il a l’image d’un critique élitiste fan de BD alternative, mais il tempère : "Je lis de tout et je refuse les guerres de chapelle." La position de directeur artistique du festival est toujours inconfortable puisqu’il faut "faire des arbitrages qui ne défavorisent personne mais qui, par nature, ne seront jamais pleinement satisfaisants pour chaque partie". Tout le monde espère un festival plus proche de ses intérêts. "Nous sommes voués à être "pas assez"", résume-t-il.
Parmi ses priorités, il souhaite favoriser le recrutement du futur lectorat et renforcer la vocation internationale de la manifestation. Pour 2018, il aimerait par exemple que le manga trouve une place cohérente par rapport à son poids sur le marché. Il a aussi entendu la demande de renforcement de la communication et de l’impact des prix. Le 9 décembre sera annoncée la sélection officielle et, en janvier, nouveauté introduite cette année, le jury dévoilera les 10 albums finalistes pour le Fauve d’or. Enfin, à l’issue du festival, les organisateurs envisagent un "kit libraires" pour mettre en avant le palmarès.