Le président algérien Abdelmadjid Tebboune « a répondu favorablement » à une demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, « concernant l'octroi d'une grâce en faveur de Boualem Sansal », a indiqué mercredi un communiqué officiel.
« Cette demande a retenu son attention en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires », a ajouté la présidence en précisant que « l'État allemand prendra en charge le transfert et le traitement » de Boualem Sansal.
Frank-Walter Steinmeier avait demandé lundi que Boualem Sansal, qui purgeait une peine de cinq ans de réclusion, soit gracié et bénéficie de soins en Allemagne « compte tenu de son âge avancé et de son état de santé fragile ».
Sa famille a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude pour la santé du romancier et essayiste, traité pour un cancer de la prostate. La France réclamait depuis des mois un « geste d'humanité » en sa faveur. Son éditeur Gallimard s'est fortement mobilisé pour sa libération. Antoine Gallimard avait prié l’opinion française de demeurer mobilisée, vigilante. Il avait également indiqué que des points presse continueraient d’être tenus régulièrement, « jusqu’à la libération de Boualem, que nous obtiendrons. N’en doutez pas ! »
Vision politique à long terme
Le 1er juillet, la Cour d'appel d'Alger avait confirmé une peine de cinq ans de prison prononcée en première instance le 27 mars. Boualem Sansal était accusé d'« atteinte à l'unité nationale » après des déclarations en octobre 2024 au média français d'extrême droite Frontières, où il estimait que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de régions de l'ouest algérien comme Oran et Mascara, appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.
Boualem Sansal avait renoncé à se pourvoir en Cassation, ce qui le rendait éligible à une grâce du président algérien.
Pour convaincre son homologue algérien d'annuler la condamnation de l'essayiste, le président allemand avait insisté sur le fait qu'« un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme ». « Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays », a-t-il dit.
Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président algérien avait évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026. Aucune date n'a depuis été avancée.
Abdelmadjid Tebboune a été soigné en Allemagne lors de séjours d'un total de trois mois après avoir contracté le Covid entre fin 2020 et début 2021.
Figure primée de la littérature francophone nord-africaine, Boualem Sansal est connu pour ses critiques à l'égard des autorités algériennes et des islamistes. Il a obtenu la nationalité française en 2024.
Crise diplomatique
Ces dernières semaines, la France a de nouveau demandé avec force la libération de l'écrivain, arrêté à l'aéroport d'Alger le 16 novembre 2024, ainsi que du journaliste sportif Christophe Gleizes en attente de son procès en appel le 3 décembre après avoir été condamné fin juin à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme ».
L'incarcération de Boualem Sansal avait envenimé une brouille entre Paris et Alger déclenchée en juillet 2024 par la reconnaissance par la France d'un plan d'autonomie « sous souveraineté marocaine » pour le Sahara occidental.
Ce territoire, considéré comme « non autonome » par les Nations unies, est l'objet d'un conflit depuis 50 ans entre le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
Depuis plus d'un an, Paris et Alger sont empêtrés dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.
Longue tradition d'accueil
L'Allemagne et l'Italie étaient considérés comme des médiateurs qui travaillaient en coulisses en faveur de l'écrivain. Des rumeurs avaient déjà circulé ces derniers mois sur un éventuel transfert en Allemagne.
Berlin a une longue tradition d'accueil de dissidents, despotes et dirigeants malades dans son hôpital de la Charité, l'un des plus réputés d'Europe.
Il y a cinq ans, il avait accueilli l'opposant russe Alexeï Navalny, victime d'un empoisonnement. Avant lui, l'ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko y avait été soignée pour des douleurs dorsales.