Cheveux en bataille et grosse moustache... Son portrait est devenu l'une des icônes populaires du XX^e siècle au même titre que celui de Marilyn Monroe ou de Che Guevara. Le théoricien de la relativité fait partie du patrimoine intellectuel de l'humanité, Einstein c'est le génie de la physique qui aura bouleversé la façon de concevoir l'univers, brisé les vieilles tables de la loi newtoniennes. En 1919, la Société royale et la Société astronomique royale de Londres valident sa théorie, en 1922 l'académie des sciences suédoise lui attribue enfin le prix Nobel de physique. Il est au Japon à ce moment-là, il y avait été invité pour un cycle de conférences.

Einstein est une sorte d'ambassadeur de la République de Weimar, sa notoriété redore le blason d'une Allemagne humiliée. La jeune démocratie allemande est engluée dans la dette publique alourdie par des dommages de guerre colossaux. La population souffre et l'extrême droite a trouvé ses boucs émissaires, l'antisémitisme sévit. Le ministre des Affaires étrangères, Walther Rathenau, ami d'Einstein, est assassiné. Juif également et d'une sensibilité de gauche, Einstein est sur la liste noire des terroristes. Son périple asiatique décidé de longue date se révèle a posteriori fort opportun.

A l'aller : Marseille, Port-Saïd, Colombo, Singapour, Hong Kong, Shanghai, l'archipel nippon. Au retour : Malacca, Jérusalem, Barcelone, Madrid, Saragosse. Ce sont six mois d'itinérance avec sa seconde épouse, Elsa, qu'Albert Einstein va consigner dans un journal. Rencontre avec la communauté juive de Palestine, conversations privées avec le roi d'Espagne ou l'impératrice du Japon « en français »...Paraissent ses notes de bord, accompagnées d'une préface de William Marx,Journal de voyage : Extrême-Orient, Palestine, Espagne. 1922-1923. On lit des observations, souvent au style lapidaire, non destinées à publication (crises d'hémorroïdes, diarrhées), à ne surtout pas apprécier à travers des lunettes anachroniques. Tout humaniste qu'il soit, Einstein est homme de son temps, ses remarques sont teintées de racialisme et de ses préjugés d'Allemand hygiéniste : les Chinois lui répugnent par leur saleté ; les Indiens sont « des nobles métamorphosés en mendiants ». Le Japon et sa culture, en revanche, le fascinent : « On ne peut qu'aimer et admirer ce pays.» Aussi imagine-t-on bien son déchirement quand seront lâchées sur Hiroshima et Nagasaki les bombes atomiques réalisées grâce, notamment, à ses découvertes.