Lors de la dernière rentrée littéraire, L'Archipel programmait Les indécis, le premier roman d'Alex Daunel. Le 27 mai paraîtra Seul pour tuer Hitler de Jean-Baptiste Naudet chez Novice. Le point commun entre ces deux ouvrages ? Ils ont été dénichés sur la plateforme Edith & Nous. Lancée en novembre 2020 par Valentin Vauchelles, ex-directeur des librairies Virgin MegaStore, et Thomas Vivien, ancien directeur commercial France chez Taschen, la start-up propose un service de mise en relation entre auteurs et éditeurs reposant principalement sur les nouvelles technologies.
Concrètement, un auteur dépose un manuscrit sur Edith & Nous. Un algorithme analyse le contenu du manuscrit, le pitch et les mots-clés. Une équipe éditoriale de trois personnes - en charge de la fiction, la non-fiction et la jeunesse- complète le travail de l'algorithme en échangeant avec les éditeurs « sur leur ligne éditoriale, leurs envies et leurs besoins », précise Valentin Vauchelles. Une alerte est ensuite envoyée aux maisons d'édition partenaires dont la recherche correspond au manuscrit déposé. L'éditeur peut ensuite contacter l'auteur via le service de messagerie d'Edith & Nous et négocier un contrat avec ce dernier.
« Facilitateurs »
« Nous voulons apporter une alternative à l'autoédition, assure Valentin Vauchelles. Nous ne voulons pas disputer la chaîne du livre mais être un intermédiaire entre ses maillons. » En un an et demi d'existence, les cofondateurs d'Edith & Nous revendiquent avoir séduit 1 000 auteurs, qui ont déposé au total 3 000 manuscrits, et 70 maisons partenaires. Parmi ces dernières : Flammarion, Fayard, Bragelonne, Eyrolles, Anne Carrière, Lattès ou encore La Martinière. Elles sont sélectionnées sur le volet. « Chaque demande de partenariat est évaluée en fonction de critères comme la signature des contrats à compte d'éditeur », affirme Valentin Vauchelles. « Nous sommes simplement des facilitateurs », insiste l'ancien directeur des librairies Virgin Megastore.
Outre son algorithme et l'accompagnement de son équipe éditoriale, Edith & Nous n'intervient pas dans les échanges entre auteurs et éditeurs. « Sauf pour vérifier que le contrat signé est correct », souligne Valentin Vauchelles. La start-up met à disposition gratuitement le service de mise en relation des éditeurs mais empoche une somme forfaitaire au titre d'apporteur d'affaires lorsqu'une collaboration est conclue, sans amputer la rémunération de l'auteur. La plateforme se rémunère aussi sur les services dédiés aux auteurs : deux formules leur sont proposées (à 3,99 et 9,99 € par mois) ainsi que des services additionnels de relecture.
Très discrets sur leur chiffre d'affaires, les deux cofondateurs se contentent d'affirmer avoir « levé 400 000 € en novembre dernier auprès de la banque publique d'investissement (BPI France) ou d'investisseurs privés comme Pierre Conte », ancien P.-D.G. d'Editis.
Blockchain et NFT
Si la mise en relation entre partenaires éditoriaux reste le fer de lance de la start-up, celle-ci propose aussi un service digitalisé des manuscrits dédié aux éditeurs. Il s'agit d'« un espace où les textes sont automatiquement déposés par les auteurs puis traités par les maisons », déclare Valentin Vauchelles. Cette option, facturée à l'année, « permet aussi aux éditeurs de répondre rapidement aux auteurs et de personnaliser leurs réponses types », complète Thomas Vivien. Parmi leurs clients : le groupe Libella avec Buchet-Chastel, Phébus ou encore Noir sur Blanc.
Edith & Nous intègre également des services nouveaux pour les auteurs dans ses offres d'abonnement. La start-up crée pour eux des profils auteur « à la manière d'un profil LinkedIn avec une page web et un référencement optimisé ». Surtout, elle mise sur la blockchain Tezos pour protéger leurs manuscrits. Support technique de la cryptomonnaie bitcoin, la blockchain fonctionne comme un super-registre dupliqué sur de multiples serveurs. Elle prend la forme d'une chaîne de données cryptées liées les unes aux autres grâce à des clés (hash). Quand un nouveau bloc est créé, il est envoyé sur chaque serveur afin d'en vérifier la validité. Lorsqu'un bloc est ajouté à la chaîne, il devient quasiment impossible à modifier ou supprimer. Résultat, la blockchain permet des échanges rapides, sans intermédiaire et sécurisés puisqu'il est aujourd'hui impossible de pirater l'ensemble d'une chaîne de blocs.
Chaque manuscrit - avec toutes ses versions - est ainsi automatiquement « ancré » sur la blockchain, sans qu'un auteur ou une autrice n'ait besoin de s'en préoccuper. Celle-ci délivre alors un « certificat de dépôt horodaté, inaltérable et infalsifiable, avec un hash pour permettre à l'auteur de revendiquer la paternité de son œuvre, explique Valentin Vauchelles. Face à la volatilité des fichiers numériques, il s'agit d'ajouter une brique de sécurité. » Ce recours à la blockchain est l'une des toutes premières applications de cette technologie au sein du monde du livre. Thomas Vivien et Valentin Vauchelles ne comptent pas en rester là. Ils convoitent déjà les non-fungible token (NFT, jetons non fongibles), des certificats d'authenticités appliqués à des fichiers numériques (1), et promettent « des cas d'usage concrets avant 2023 ».
(1) Lire « NFT, un nouveau marché pour le livre ? », LH Le Magazine n° 16 (pp. 62 à 64)