Crise sanitaire

Editeurs et libraires veulent "redonner du sens à leur métier"

La devanture de Quai des brumes - Photo DR/Quai des brumes.

Editeurs et libraires veulent "redonner du sens à leur métier"

Dans un appel convergent, éditeurs indépendants et libraires proposent quatre chantiers de travail pour repenser la chaîne du livre : taxe sur le pilon, offices réguliers pour le fonds, tarif postal unique et taux de remise minimal pour les libraires.

Par Vincy Thomas
Créé le 18.05.2020 à 12h37

Deux appels signés l’un par des éditeurs, l’autre par des libraires, sont parus  jeudi dans Le Monde et sur son site. "Pour la première fois depuis la pétition de Jérôme Lindon en faveur du prix unique du livre en 1977, signée par 572 libraires et 21 éditeurs, des éditeurs et des libraires mettent leurs noms en bas d’un projet commun, celui de revaloriser la relation entre leurs métiers pour offrir au livre une durée de vie digne de ce nom et endiguer la loi du pilon (125 millions de livres pilonnés chaque année)", proclament les signataires.

 
A l’initiative croisée de libraires de l'association Libraires du Sud et d’un groupe de réflexion d’éditeurs indépendants, « Édition année zéro », ces deux textes aboutissent à des propositions communes autour de quatre "chantiers de travail".
  • Une taxe sur le pilon, destinée à un fonds de rémunération des auteurs en dédicace. "La chaîne du livre exige une proximité retrouvée entre ses différents acteurs : partenariats entre librairies et éditeurs pour mieux rémunérer la mise en valeur des fonds d’éditeurs, transparence entre éditeurs et auteurs, et réflexion sur la fidélisation des clients passant par de nouvelles formes de gratification." Parant du principe que "La prégnance des défis environnementaux appelle à une réflexion sur le rythme des sorties, à une refonte du système des mises en place et des retours à même de limiter le pilon, et à la recherche d’outils de distribution plus durables. Cela exige d’œuvrer pour une écologie du livre."
  • Des offices réguliers réservés aux fonds, et plus seulement aux nouveautés ; suppression du rabais de 5 % aux particuliers et aux collectivités affaiblissant le message du prix unique. "Le développement des industriels de la vente en ligne oblige à une réflexion sur leur contribution au financement de la chaîne, et plus globalement d’une société dont ils veulent utiliser les dispositifs sans participer à leur financement."
  • Un tarif postal unique pour le livre. "La concentration impose une redéfinition du partage de la valeur ajoutée dans la chaîne évitant que les économies d’échelle réalisées le soient au détriment des coûts et de la qualité de la distribution (délais, partage des frais, équité entre les différents réseaux de vente de livres)." Les éditeurs et libraires ajoutent que "Cette redéfinition devra sans doute s’accompagner d’une réflexion sur le juste prix du livre et son évolution. Le prix relatif du livre ne cesse en effet de baisser depuis les années 2000."
  • Le respect d’un taux de remise minimale pour les libraires.
Le tarif postal est une mesure qui fait consensus: les éditeurs indépendants l'ont aussi réclamée dans un appel précédent, soutenu aussi par le président la région Hauts-de-France Xavier Bertrand dans un courrier au ministère de l'Economie.

Quant au prix du livre, Olivier Nora, P-DG de Grasset, et Sabine Wespieser, fondatrice de la maison homonyme, s'interrogent aussi sur cette question dans un entretien croisé publié par le quotidien du soir. L'éditrice demande ainsi: "Est-ce qu’il serait possible d’augmenter la remise accordée aux libraires, quitte à augmenter le prix des livres ? Ceux que je publie ont le même prix, à pages et à coût égaux, depuis 2002. Je suis tellement tétanisée par l’idée qu’on me dise que les livres sont trop chers, que je m’autocensure. Peut-être faut-il en appeler à la solidarité de nos lecteurs ?".

Le patron de Grasset ne dit pas autre chose: "Il est vrai que le prix des matières premières – celui du papier, notamment – a sensiblement augmenté au cours des dernières années, et que l’ensemble de la profession n’a pas répercuté cette augmentation par crainte de perdre des lecteurs. L’élasticité au prix nous a rendus très prudents. Donc, oui, peut-être y aura-t-il une augmentation tendancielle du prix de vente dans les années à venir".
 
"Le confinement a montré à quel point ces maillons forment une chaîne bien réelle : soit la chaîne tiendra ensemble, soit elle ne tiendra pas", affirment éditeurs et libraires. Les quatre chantiers évoqués devraient déboucher sur des ateliers croisés entre éditeurs et libraires en vue du lancement d'une plate-forme collaborative  avec l’ensemble des partenaires de la filière : auteurs, éditeurs, libraires, free lance, diffuseurs et représentants, distributeurs et journalistes.

 

Les dernières
actualités