Edition

Editeur : un métier à risques

Vincent Montagne : "Entre 20 et 40 % des titres publiés sont rentables." - Photo Olivier Dion

Editeur : un métier à risques

Pour mieux se faire connaître du public et des politiques, les éditeurs ont commandé une étude sur les conditions économiques de leur activité. Les explications du président du SNE, Vincent Montagne.

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Par Christine Ferrand
Créé le 13.03.2015 à 00h34 ,
Mis à jour le 13.03.2015 à 10h00

Vincent Montagne - Pas vraiment, heureusement. Mais elle a confirmé des intuitions que j’avais. Notamment la faible quantité de titres rentables - entre 20 et 40 % de ceux qui sont publiés, selon l’étude -, ce qui montre bien que l’éditeur est avant tout un preneur de risque. Elle met aussi en évidence un renouvellement permanent des structures d’édition : 70 % des éditeurs actifs en 2014 n’ont vu le jour qu’après 1997. C’est donc bien un secteur qui donne sa chance aux nouveaux entrants. A contrario, on voit aussi que des maisons comme Actes Sud, créée en 1978 et qui existe encore aujourd’hui avec une position de premier plan, sont une vraie chance pour le livre. L’étude montre que le taux de survie de ces entreprises a chuté au cours des cinq dernières années, mais qu’il est encore supérieur à la moyenne nationale. On constate également que le prix unique du livre a contribué à stabiliser aussi l’édition, à côté de la librairie. La rentabilité s’effrite, mais éditer reste un métier de passion où des entrepreneurs n’investissent pas seulement pour des raisons financières.

Nous sommes entrés dans une zone de fragilité, surtout à cause de la baisse de la lecture traditionnelle. En réaction, les éditeurs essayent de diversifier leur offre, générant ainsi une croissance de la production, une baisse des tirages et l’augmentation des taux de retour. On assiste à un morcellement de la production, avec plus d’auteurs moins bien payés, alors que pourtant les droits d’auteurs pèsent de plus en plus lourd dans l’économie des maisons d’édition. Malgré cet éparpillement, nous sommes loin de répondre aux attentes de tous les auteurs puisque certains sont attirés par l’autoédition. Mais après tout, un autoéditeur est aussi un éditeur qui prend sa chance.

Ce qui ressort de l’étude en effet, c’est que la prise de risque est inhérente à ce métier. L’édition est une industrie du prototype. On ne sait jamais à l’avance ce qui va marcher, sauf dans quelques cas de collections et de gros ouvrages collectifs, mais qui à l’origine étaient aussi des paris risqués… C’est une industrie qui suppose un engagement au long cours : un auteur s’accompagne dans le temps. On le voit bien à travers l’analyse des prix littéraires : en moyenne il faut dix-sept ans à un auteur pour être couronné d’un des grands prix littéraires.

L’éditeur (comme le producteur de musique ou de cinéma) joue un rôle charnière entre l’art et le commerce, la création et l’industrie. Son métier de passeur est difficile à appréhender, par le public comme par les décideurs politiques. Mais aussi, parfois, par nos partenaires quotidiens, auteurs et libraires. Il nous a paru nécessaire de trouver une façon de le redéfinir économiquement. La tentation est forte de faire porter à l’éditeur tous les coûts. Or, c’est une industrie précaire, l’une des industries culturelles les moins aidées par l’Etat, où le retour sur investissement se fait sur le très long terme.

C’est une base pour promouvoir la création au travers de ceux qui la financent, c’est-à-dire les éditeurs. Nous voulons remédier à une certaine absence d’image de l’éditeur, souvent dans l’ombre, puisqu’il existe d’abord par la mise en valeur des œuvres qu’il produit. C’est inhérent au métier d’éditeur de ne pas se mettre en avant. Or, aujourd’hui, nous voulons sensibiliser les acteurs des nouvelles législations qui ne se rendent pas compte de ce qu’ils risquent de détruire en oubliant le rôle de primordial de l’éditeur, seul financeur de la création.

" Fondamentaux et mutations du secteur de l’édition : les ressorts de l’économie de la création ", par Stéphanie Peltier et François Moreau, Syndicat national de l’édition.

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