26 août > Récit Afghanistan-France

Atiq Rahimi, largement absorbé par son métier de cinéaste, prix Goncourt 2008 avec Syngué sabour : pierre de patience (P.O.L) - son premier livre écrit en français la langue de sa seconde patrie -, a choisi de revenir à cette rentrée littéraire, la première de L’Iconoclaste. La ballade du calame est un récit autobiographique dans lequel il raconte pour la première fois, à grands traits, son parcours d’exception : comment sa vie de jeune Afghan de 11 ans a basculé en 1973, lorsque son père, juge à la cour suprême de Kaboul, a été arrêté sans raison, à cause d’un des nombreux coups d’Etat qui secouent le pays depuis toujours. Libéré, il s’est exilé en Inde, où son fils l’a rejoint. Une expérience décisive. Le jeune homme, musulman, nourri de calligraphie arabe (plutôt malgré lui, qui ne se veut pas croyant), découvre une autre civilisation, l’hindouisme, religion où même les dieux font l’amour, et où leurs corps nus, sont vénérés aux temples de Khajuraho.

Installé en France depuis maintenant trente ans, Atiq Rahimi se souvient toujours de ce jour où il a quitté définitivement son pays natal, et s’interroge sur son identité, son appartenance. Exilé à jamais, loin de sa terre, de sa langue, de sa mère, morte en 2014, exilée elle aussi, aux Etats-Unis. "Je suis né en Inde/incarné en Afghanistan/réincarné en France. Quel karma j’ai", écrit-il. Mais l’écrivain, qui est aussi peintre et dessinateur et, on l’a dit, cinéaste, a fini par prendre conscience que sa vraie patrie, c’est le verbe, la lettre, les mots, la langue dans laquelle il écrit, et donc aussi cette calligraphie persane à laquelle il a fait retour, dont il se sert pour dédicacer ses livres et qui orne celui-ci. D’alef, la première lettre sacrée, à àwara, errant, la boucle est bouclée.

Jean-Claude Perrier

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