La résistante Madeleine Riffaud a publié vendredi 23 août, jour de ses 100 ans, le troisième et dernier volume de la série de bande dessinée Madeleine résistante, qui retrace ses mémoires, pendant la Seconde Guerre mondiale. Paru, comme les deux tomes précédents, aux éditions Dupuis, le titre, intitulé Les Nouilles à la tomate en référence à l'un des mets consommés à la Libération, livre ce que l’autrice n'avait « jamais » voulu dire avant.
« Elle marche bien cette BD », s’était réjouie en juin dernier celle qui fût aussi appelée « Rainer », son nom de combattante au sein des Francs-tireurs et Partisans (FTP), mouvement de la résistance française fondé fin 1941. Et pour cause, d’après les éditions Dupuis, contactées par Livres Hebdo, le premier tome de Madeleine résistante s’est écoulé, depuis sa sortie en 2021, à 92 000 exemplaires, tandis que le deuxième opus avoisine les 50 000 exemplaires vendus.
Un tirage à 60 000 exemplaires
Toujours avec Dominique Bertail au dessin et le duo Jean-David Morvan/Madeleine Riffaud au scénario, le troisième tome, tiré à 60 000 exemplaires, est consacré à l’arrestation de la résistante et aux tortures qu’elle a endurées aux mains de la Gestapo. « Tome 3, je suis en taule. Je voulais pas lui [Jean-David Morvan] parler des tortures. J’en parle jamais. Et puis, cet animal, il m’a dit : mais si parles-en ! Ah ben ça… on en est malade tous les deux », a-t-elle détaillé.
Cela se passait rue des Saussaies, adresse devenue tristement célèbre. « C’est pas un endroit à fréquenter… », a déclaré la résistance. Elle y avait abattu un officier allemand, le 23 juillet 1944, sur un pont de Paris. « Je regrette, d'ailleurs, d'avoir tué cet homme. Tu es là. Tu regardais la Seine. Est-ce qu'on peut être méchant, quand on regarde la Seine ? C'était peut-être un type bien. Mais ça... bon, c'est la guerre ».
Arrestation et tortures
Après cela, la résistante fût interpellée par des Français collaborationnistes. « Le type qui m'a arrêtée m'a amenée direct chez les Allemands. Il aurait pu m'amener à la Milice, et ses chefs. Mais il a préféré les Allemands, car j'étais utile. Les Allemands, sur des affiches dans Paris, annonçaient qu'ils donneraient 10 000 balles à celui qui apporterait un terroriste », se souvient-elle.
D’ailleurs, l’album n’élude pas, 80 ans après, la brutalité des traitements qu’a subis Madeleine Riffaud, incitée à divulguer le nom des responsables de son réseau. Elle s’est toujours tue et en garde les séquelles. Un orthophoniste, qu’elle continue de consulter, l’aide à garder l’usage de la parole : « Le nez... On l'a refait deux fois. Mais on m'a refait le même (...) J'ai eu la mâchoire démise aussi. Cassée même. Là, là... Enfin, c'est ce qu'on appelle un passage à tabac, hein. C'est pas des tortures ».
« Il faut lutter »
Le 19 août dernier, les éditions Point avaient d’ailleurs publié une anthologie réunissant les poèmes de cette amie de Paul Éluard. « Il y en a qu'on n'a pas retrouvés écrits. Mais Madeleine se souvient par cœur des poèmes qu'elle a écrits quand elle avait huit ans, sur les soldats de la Première Guerre mondiale », a précisé Jean-Daniel Morvan.
Chez cette communiste et anticolonialiste, la plupart d’entre eux revendiquent une tonalité politique indéniable. « On peut lutter. Il faut lutter. Voilà ce qu’il faut. Il faut pas s’endormir », rappelle-t-elle aujourd’hui, avant d’ajouter que dans la Résistance, « on n’était pas beaucoup, nous, au départ ».