Du document à l’image

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Les palmarès de meilleures ventes de beaux livres s’ouvrent depuis une petite dizaine d’années à la production d’éditeurs nouveaux sur le créneau. Ils ont un point commun : ce sont avant tout des éditeurs de textes.

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Par Anne-Laure Walter
avec Créé le 17.10.2013 à 18h49 ,
Mis à jour le 08.05.2015 à 15h07

Le Métronome illustré de Lorànt Deutsch caracole depuis trois ans en tête des meilleures ventes de beaux livres. Et pourtant son éditeur, Michel Lafon, n’est pas spécialisé dans l’image. Il détient un catalogue avant tout axé sur le texte, même s’il développe aussi depuis quelques années une petite production illustrée. « C’est Alain Kouck, P-DG de notre diffuseur-distributeur Interforum, qui, pour combler le vide laissé par le départ d’Hervé de La Martinière, m’avait encouragé à publier des beaux livres, se souvient Michel Lafon. J’en avais l’envie depuis quelque temps déjà, et cette proposition a achevé de me décider. » Aujourd’hui ce département, composé de trois éditeurs qui réalisent toute leur production en interne, concocte 25 titres environ par an. « Ils représentent 20 % à 25 % de notre chiffre d’affaires, avec une progression constante au fil des années », précise-t-il. La ligne est calquée sur celle du texte, privilégiant les signatures grand public (Johnny Hallyday, Jean-Pierre Pernaut, Jean-Pierre Foucault) ou les témoignages des proches de grands personnages comme les membres de leur famille : De Gaulle par son fils, Proust par sa petite-nièce, et prochainement Eiffel par son descendant direct.

Documents illustrés.

Dans un marché du beau livre dégradé depuis plusieurs années consécutives, où le paysage éditorial s’est redessiné, les acteurs qui sont apparus récemment et ont réussi à percer, à l’instar de Michel Lafon, incarnent bien l’évolution de la demande du public vers des documents illustrés plutôt que vers de beaux livres d’images au sens strict. La plupart de ces éditeurs ont pour ADN l’édition de documents. Ainsi Les Arènes connaissent une impressionnante progression dans le beau livre. « Nous ne sommes pas une maison spécialisée en beaux livres comme les historiques, qui ont une culture de l’image très forte, mais aujourd’hui 50 % de notre production a trait à de l’illustration, confirme le directeur de la maison, Laurent Beccaria. Nous faisons des docs illustrés, du journalisme illustré… notre force est de travailler le texte et l’image. » Depuis dix ans, une part croissante du chiffre d’affaires de l’éditeur provient de l’illustré. Les Arènes ont connu de beaux succès avec la revue 6 mois et avec la collection « L’histoire dans nos mains », dont les titres se vendent de 18 000 à 70 000 exemplaires, mais aussi, sous la marque L’Iconoclaste, avec des livres d’archives qui tournent de 15 000 à 30 000 exemplaires vendus, pour des titres à 69 euros. « Nous avons pour cette fin d’année trois mises en place à 30 000 exemplaires, se réjouit Laurent Beccaria. Nous touchons une clientèle nouvelle de moins de 40 ans, habituée à ce rapport texte-image, un public nouveau pas forcément avec une grande culture picturale et artistique, mais qui aime avoir un beau livre de photos historiques ou de dessins. »

Cette articulation texte-image, un langage connu de la presse magazine, donne un avantage aux éditions Prisma qui, depuis trois ans, connaissent aussi de belles progressions. « Notre chiffre d’affaires beaux livres augmente chaque année de 20 % à 25 %, constate Pierre-Olivier Bonfillon, qui dirige cette structure. Nous avons un peu réorienté notre ligne, réduit à un tiers les titres portant la marque d’un de nos magazines ; nous misons moins sur le tourisme, plus sur l’art et les grandes expositions », précise-t-il.

Livres animés.

Traditionnellement dans le secteur de la référence et de l’histoire, Larousse a fait aussi en 2009 le choix de l’illustré, et concentré ses efforts sur le rayon beau livre (1) avec des livres animés (avec des fac-similés dans des pochettes). L’éditeur publie le 19e volume de la collection « Les documents de l’histoire » - 300 000 exemplaires vendus sur l’ensemble des titres à ce jour - sur La France au temps des pensionnats. Les éditrices sont même allées frapper à la porte du voisin, le collège Stanislas, pour récupérer des archives.

« Aujourd’hui, il ne peut plus y avoir de livres substituables », observe Nicolas de Cointet, recruté il y a cinq ans chez Albin Michel pour monter un département beau livre. « Il faut cinq ans pour disposer réellement du programme que vous souhaitez présenter, explique-t-il. Car par votre expérience, les résultats des premiers titres, les liens que vous nouez avec les partenaires, les auteurs, vous pouvez enfin concevoir le livre que vos concurrents ne réussiront pas à faire. C’est la seule solution. Il n’y a plus de marché pour le millième livre sur un sujet maintes fois traité. » Pour cette fin d’année, l’éditeur a eu accès aux intérieurs privés des créateurs de mode autour du monde grâce à Ivan Terestchenko, avec lequel il avait fait un ouvrage en 2009 sur Yves Saint Laurent et Pierre Bergé. Albin Michel publie aussi une surprenante série de photographies de Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky, Voyage dans l’ancienne Russie, qui a réussi par un procédé superposant trois clichés à photographier en couleur le pays dès 1909.

(1) Voir LH 930, du 16.11.2012, p. 44.

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