Histoire/France 21 février Cédric Meletta

Les époques entre chien et loup, il adore. Les atmosphères à la Modiano, il en redemande. Pas étonnant que l'Occupation ait retenu son attention. Après une biographie de l'ambigu Jean Luchaire (Perrin, 2013) et un Tombeau pour Rubirosa (Séguier, 2018), Cédric Meletta a choisi sept femmes comme les sept péchés capitaux d'une période trouble. Elles sont roumaine, estonienne, suisse, française ou tout simplement perdues. On les désigne aventurière, aristocrate déchue, espionne, mijaurée, intellectuelle ou tombée des nues.

Certaines sont jolies, d'autres pas. Mais elles ont toutes le charme vénéneux de la pègre, l'intransigeance de n'être que soi, l'art de se tromper avec une arrogance qui pourrait passer pour de l'esprit. L'une assista le docteur Petiot dans son avidité meurtrière. Elle était juive et n'avait pas compris ou pas voulu comprendre comment l'infernal toubib voulait définitivement éloigner les porteurs de l'étoile jaune du péril nazi qui les menaçait. Une autre fut la compagne d'un chef de la Milice qui sévit dans la région de Lyon avec Paul Touvier et fit le coup de main avec les Allemands contre les résistants du Vercors. Maud Champelier de Ribes était vive comme la balle qui perfora son crâne après sa condamnation à la Libération. Citons encore Alice Mackert, petit rat du conservatoire de Fribourg devenue souris grise dans la SS. Elle fit régner la terreur à Nice et à Marseille sous le nom d'« Alice la Blonde ». Malgré la liste de ses crimes, elle évita le peloton d'exécution. Et puis, il y a Hélène de Tanzé, « dactylographe et putain » mais pas seulement, que l'on retrouve sous le nom d'Irène de Tranzé dans La ronde de nuit (1969) de Modiano. Elle travailla assidûment pour la « Gestapo géorgienne », qui traquait les communistes. Condamnée aux travaux forcés à perpétuité, elle finit ses jours aux Etats-Unis, dans une petite ville du comté de Westchester où elle avait une boutique de luxe, mais pas de souvenirs à vendre.

Pour animer ces figures de prédatrices oubliées, Cédric Meletta utilise une méthode qui a fait ses preuves : les archives, la presse et les témoins. Il faut y ajouter le style, ce goût du petit détail qui éclaire la personnalité et donne un relief particulier à ces destins tellement voués à l'échec qu'ils méritent d'être qualifiés de « diaboliques ».

Cédric Meletta
Diaboliques : Sept femmes sous l’Occupation
Robert Laffont
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20 euros ; 240 p.
ISBN: 9782221144541

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