19 AVRIL - HISTOIRE France

Paul Zuckermann a été interné à Drancy jusqu'en septembre 1942. Ses lettres déposées au Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) constituent un témoignage précieux sur la vie du camp, vue de l'intérieur. Annette Wieviorka et Michel Laffitte les utilisent souvent. Leur travail constitue une synthèse remarquable de ce que l'on sait sur ce lieu, situé en banlieue parisienne, où ont transité la plupart des Juifs déportés de France vers les centres d'extermination.

Les deux historiens mettent en évidence les trois périodes de cette cité de la Muette, alors en construction à Drancy pour répondre à l'augmentation de la population, qui devient ex abrupto un camp : camp de représailles entre août 1941 et juin 1942, camp de transit vers Auschwitz entre juillet 1942 et juillet 1943 et camp de concentration de juillet 1943 à août 1944.

Durant cette dernière période, Aloïs Brunner reprend l'administration confiée jusqu'alors aux autorités françaises. A l'intérieur du camp, les gendarmes sont remplacés par des SS. La terreur devient la règle et le bagne s'installe. Pour éviter la déportation et la mort, il faut obtenir un emploi au sein du camp ou à l'extérieur. C'est à cette époque que des internés percent un tunnel qui ne sera mis au jour qu'en 1980, lors de travaux de construction à proximité de l'ancien camp. "De l'été 1941 à l'été 1944, 67 000 des 75 000 Juifs déportés de France, en majorité étrangers, y ont transité ; 80 000 personnes définies comme juives y ont séjourné pour des délais variant de quelques heures aux trois années de la vie du camp."

En s'appuyant sur des archives et des témoignages souvent inédits, Annette Wieviorka et Michel Laffitte montrent ce qui se passait à l'intérieur de Drancy, qui fut pour certains "pire que Dachau" et où les autorités d'occupation puisèrent quantité d'otages qu'ils fusillèrent ou déportèrent en représailles aux attentats de la Résistance.

La faim, l'insalubrité d'une cité d'habitation non achevée, le marché noir, les vols, les clivages sociaux, l'arrivée des quarante avocats juifs ou d'artistes peintres originaires d'Ukraine : les auteurs ne délaissent aucun événement marquant de ce camp où transitèrent quelques collaborateurs - dont Arletty - après la Libération.

Drancy n'appartenait pas au système concentrationnaire nazi. Il fut pourtant un des rouages de la destruction des Juifs de France. Annette Wieviorka, qui travaille depuis longtemps sur la mémoire de l'Histoire, était particulièrement bien placée pour expliquer comment muséifier ce qui est redevenu une cité, un lieu de vie. D'où ce projet de Centre de mémoire et d'histoire situé à l'extérieur de la cité de la Muette. Son inauguration est prévue le 16 juillet 2012, pour le 70e anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv.

Les dernières
actualités