Les dimanches de Ville-d'Avray, récit d'un amour presque fraternel entre un vagabond et un enfant, est un film mystérieux, signé de Serge Bourguignon et adapté d'un roman de Bernard Eschasseriaux et qui eut plus de succès à l'étranger que dans notre pays (oscar du meilleur film étranger en 1963). Dans le nouveau et court roman de Dominique Barbéris, en fait de dimanches, il n'y en a plus qu'un, mais la grâce est la même ainsi que cette « indécidabilité » du réel qui est celle de toute l'œuvre de la romancière (lauréate du prix Jean-Freustié 2018 pour son roman précédent, le magnifique L'année de l'Education sentimentale, Gallimard).
Il s'agit cette fois-ci de deux sœurs. L'une vit à Paris, l'autre à Ville-d'Avray, elles se sont élevées ensemble, sont toutes deux mariées, mais ne se voient plus guère que de loin en loin. Un dimanche tout de même, qui pourrait être d'automne (le temps menace et les souvenirs s'accompagneront souvent de la pluie, celle qui vient, qui tombe, son odeur après sa fin), l'une rejoint l'autre. Les deux femmes parvenues à l'âge où le champ des possibles semble s'être refermé, vont se rejoindre au jardin. Comme presque toujours en pareil cas, on évoque les temps anciens, l'enfance du côté de Bruxelles et comment la séduction de Jean-Claude Drouot dans Thierry la fronde fut bientôt remplacée par celle du mystérieux Rochester de Jane Eyre. Et puis peu à peu, comme les choses et les souvenirs découlent, Claire Marie, femme rangée de la banlieue parisienne cossue, va évoquer pour sa sœur une rencontre qui eut lieu une dizaine d'années auparavant. A l'époque, elle fit la connaissance d'un homme, un étranger, prétendant se nommer Marc Hermann, être d'origine hongroise et faire de l'import-export avec l'Amérique latine. Il se revirent. Cela s'appelle une rencontre. Il n'y eut que des rendez-vous furtifs, des balades près d'étangs déserts, des confidences à demi et un désir qui ne pouvait vraiment se dire. Et un jour, comme si cela n'avait été qu'un rêve, Hermann disparut, lui, ses histoires. Ça ne fait pas une vie, mais ça peut faire un dimanche après-midi dans un jardin de Ville-d'Avray.
Comment décrire sans l'atténuer l'extrême élégance de ces pages, qui font parfois penser à Modiano ? Entre l'infiniment petit et l'infiniment grand, Dominique Barbéris a choisi le parti de la grâce.
Un dimanche à Ville-d’Avray
Arléa
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 17 euros ; 128 p.
ISBN: 9782363081995