Louis Pasteur contre Robert Koch. Le clash entre ces deux géants du microbe a lieu à Genève, lors d’un colloque en 1882. Chacun a démontré qu’une maladie infectieuse, le charbon, était causée par une bactérie. Mais chacun ne la désigne pas de la même façon. Le Français, dont la gloire est déjà immense, en profite pour adresser ses griefs à son confrère allemand. Le discours est terrible, brillant, assassin. Koch, qui ne comprend pas le français, préfère répondre par écrit.
L’opposition virulente s’est installée entre les deux hommes. Elle va les stimuler. Koch isole le microbe responsable de la tuberculose. Pasteur parvient à vaincre la rage. Dans leur sillage, d’autres chercheurs traquent la diphtérie et font avancer l’hygiène et la médecine autour d’une nouvelle discipline : la microbiologie.
Au fil des innovations, les Français découvrent que tous les Allemands ne sont pas mauvais comme Bismarck. La science s’internationalise et les nationalismes se dissolvent dans l’intérêt supérieur de la recherche. Jules Ferry, alors ministre des Affaires étrangères, décore Koch pour son action à Toulon en 1884 contre le choléra, au grand agacement de Pasteur qui réplique en choisissant l’année suivante pour son vaccin contre la rage le jeune Joseph Meister, un Alsacien devenu Allemand en 1871… Cet antagonisme très dynamique qui profite aux malades se retrouve dans la création de deux établissements qui rayonnent dans le monde, l’Institut Pasteur à Paris et l’Institut des maladies infectieuses - devenu Institut Robert-Koch - à Berlin.
Maxime Schwartz, ancien directeur de l’Institut Pasteur, et Annick Perrot, conservatrice honoraire du musée Pasteur, ont réussi un livre subtil sur ces deux savants qui se sont reconnus autant que détestés. Bien plus que le récit d’une inimitié, cette bataille aide à comprendre comment se construit la science et comment, malgré les rancœurs personnelles au sein d’une même discipline, l’impulsion de la connaissance finit par l’emporter. Pasteur et Koch furent victimes des ressentiments de 1870. Les deux hommes avaient tout pour s’entendre et ils se firent la guerre comme ils la firent aux microbes et aux bactéries. Tant mieux ! Pasteur meurt en 1895, Koch en 1910. Quelques années avant que ne se déclenche une "der des ders" qui aurait été encore plus dévastatrice sans leurs découvertes. L. L.