4 mai > Roman Haïti

Après Saisons sauvages en 2010 (repris en Folio), situé sous la dictature Duvalier, et Aux frontières de la soif en 2013, qui abordait la question de la prostitution des enfants dans l’Haïti d’après-séisme, Kettly Mars revient avec Je suis vivant, un huis clos familial à la tension plus psychologique que politique. Toutefois, le chaos dans lequel a été plongée l’île depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010 est le point de départ de ce roman choral où s’élèvent tour à tour les voix des membres d’une famille de la bourgeoisie aisée confrontée à un drame intime.

Les Bernier - Eliane, la matriarche de 86 ans et trois de ses quatre enfants - se sont réunis pour organiser le retour dans la maison familiale d’Alexandre, le frère interné depuis plus de quarante ans pour troubles psychiatriques dans "l’Institution" qui, conséquence plus ou moins directe du séisme, doit être rasée. Tour à tour, chacun des membres de la famille évoque les souvenirs de son enfance, le basculement dans la schizophrénie de ce frère adoré ou jalousé, de ce fils préféré du père décédé, dont les brusques changements d’humeur se sont transformés à l’adolescence en accès de violence ingérables.

Aux monologues parallèles des deux sœurs et du frère d’Alexandre s’ajoutent la version de l’aide-soignant que la famille a engagé pour s’occuper du malade, celle de l’employée de maison et celle de la jeune modèle qui vient poser pour la sœur aînée artiste peintre… Se dessine le portrait d’un enfant imaginatif devenu un adulte dont "toutes les voix dans sa tête s’affolent". Un homme apeuré qui a toujours faim, voit des yeux dans les murs, est obsédé par les avions et dont la présence mutique va agir comme un révélateur. Alexandre, lui-même, qui prétend, "à l’intérieur de [ses] autres [s]oi-mêmes" : "je vois tout, je sais tout. Et je comprends tout", est l’un des narrateurs de cette histoire de fratrie et de folie. V. R.

19.04 2015

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