Journaliste, romancière, Isabelle Monnin ne pouvait manquer de se voir stimulée par le hasard qui lui est échu : en 2012, elle acquiert sur Internet un lot de 250 photographies représentant les membres d’une même famille. Des clichés banals, de gens tout simples saisis dans leur quotidien. Parmi eux s’impose une petite fille, qu’elle baptise, dans sa tête, Laurence. A partir de là, dans un temps premier, Isabelle Monnin décide d’écrire le roman imaginaire de ces gens, de 1978 à 1994, auquel elle ne changera rien, même une fois qu’elle saura à leur sujet, au terme d’une enquête journalistique serrée, la vérité. Qu’elle en aura même rencontré certains, dont la fameuse Laurence qui, d’ailleurs, s’appelle bien Laurence !
Dans le roman, il est question d’abandons : celui par la mère, Michelle, partie en Argentine avec Horacio, qui sera assassiné par les militaires en 1978. Celui de Simone, la mère de Serge, le père, qui, sénile, attend la mort. Celui de Serge, enfin, qui vend la maison de famille et tout ce qu’elle contient. Y compris une certaine enveloppe pleine de photos…
En 2013, Isabelle Monnin a mené l’enquête, retrouvé le village où vivait la famille, Clerval, dans le Doubs, sa région d’origine. Elle en tient le journal, qui la renvoie souvent à sa propre histoire familiale. Et puis elle rencontre "Serge" (en fait, Michel), qui se confie, et, enfin, Laurence. Des liens d’amitié se tissent, une fois vaincues la méfiance d’un côté et la culpabilité de l’autre : de quel droit s’immiscer ainsi dans le passé, les drames des autres ?
Mais tout est bien qui finit bien, dans cette aventure, avec en bonus la participation d’Alex Beaupain, auteur-compositeur-interprète, ami d’Isabelle Monnin, lequel, sur cette trame, a composé un disque chanté par des pros, mais également des "gens de l’enveloppe", qui ont prêté leur voix. Ce livre-objet unique en son genre, c’est aussi le leur. Ce pourrait être celui de n’importe quelle famille, avec son "petit tas de secrets". J.-C. P.