Un an, c'est parfois long. Et lorsque cette année est celle du bac, passé au fin fond d'une province française indéterminée, à l'heure où agonisent les années 1980, cela vous a vite des contours de petite éternité... Passer son bac, son permis, passer le temps et les limites, sont quelques-unes des occupations qui agitent vainement les héros de Province Terminale, le premier roman de Damien Malige, un architecte parisien, natif de Toulouse. Il y a du Tony Duvert, du Bret Easton Ellis, dans ces pages ; une violence, une rage de bon aloi, qui permettent d'échapper à la poisseuse mélancolie du souvenir de jeunesse. Rien ici ne rassure et tout dérange. On y suit les tribulations lamentables du narrateur, un enfant de 18 ans, désagréable et persuadé qu'il n'y a pas d'avenir possible en dehors du nihilisme et du chaos. Sur fond sonore d'époque (de Taxi Girl à Dépêche Mode en passant par les plus contestables Front 242 ou DAF, les initiés apprécieront...), tout commence par une ratonnade et tout finit par un gamin qui pleure, au-dessus d'une table de cuisine, en écossant des petits pois. Il n'est jamais trop tard pour mesurer l'étendue du désastre...
"J'ai grandi ici, j'ai éprouvé la violence que suscite le silence oppressant qui s'immisce partout, les mentalités enfoncées aux forceps, le culte du sport, le régionalisme et ses traditions, la religion, tout ce bordel vaseux..." Le monde dans cette Province Terminale est désert, et à l'ère du vide (et d'abord, de celui des consciences), tout un chacun peut en prendre pour son grade, c'est sans autre conséquence que la confirmation pour ces jeunes gens sinistres de leur incapacité à rien éprouver. On appelle cela la jeunesse, comment elle s'enfuit, le goût amer d'aube triste qu'elle laisse en bouche...