Entretien

Denis Olivennes : « Célébrer le talent des gens de l'édition »

Denis Olivennes préside le jury des premiers Trophées de l'édition organisés par Livres Hebdo, qui seront décernés le 10 décembre à l'Odéon théâtre de l'Europe, à Paris. - Photo OLIVIER DION

Denis Olivennes : « Célébrer le talent des gens de l'édition »

Chef d'entreprise spécialiste des médias et des industries culturelles, ancien président de la Fnac, Denis Olivennes explique pourquoi il a accepté de présider le jury des premiers Trophées de l'édition organisés par Livres Hebdo. _ par

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 26.09.2019 à 23h39

Qu'est-ce qui vous a conduit à accepter de présider le jury des premiers Trophées de l'édition ?

Denis Olivennes : J'ai un amour immodéré pour le livre et tout ce qui l'entoure. Mettre en lumière et célébrer le talent des gens qui concourent à la parution d'un livre est une nécessité. Il existe toute une série de métiers, que le lecteur ne voit pas nécessairement, qui sont vitaux pour que l'industrie de l'édition prospère, et que les lecteurs aient des bons livres entre les mains. Lorsque vous êtes auteur, vous découvrez toutes ces personnes qui travaillent à la mise en page, la fabrication, au marketing, à la diffusion, à la presse... Sans eux, le destin de votre livre ne serait pas le même.

Qu'espérez-vous trouver dans les dossiers des candidats ?

D. O. : Je suis curieux de voir l'inventivité et la place de l'innovation dans l'édition. Ça m'amusera de découvrir les différentes manières de pratiquer ces métiers.

Avez-vous le sentiment que le livre traverse les mêmes bouleversements que les autres industries culturelles dans lesquelles vous avez travaillé ?

D. O. :Les évolutions du monde de la musique, que j'ai bien connu quand j'étais à la Fnac, ou celles de la presse, dans laquelle je travaille depuis de nombreuses années, sont bien plus violentes. Le numérique y a entraîné une rupture profonde et brutale. Cependant, après des ajustements douloureux, il s'offre des solutions qui maintiennent leur existence comme les plateformes de streaming pour la musique et la vidéo, ou l'abonnement numérique pour la presse, dont on voit aux États-Unis, qu'il apparaît comme une issue à la crise des quotidiens. Le monde du livre connaît les mêmes mutations technologiques avec l'arrivée de l'e-book, et logistiques avec la force des ventes en ligne. Mais l'évolution semble beaucoup plus lente, en raison sans doute de l'attachement à l'objet physique.

Faites-vous partie des gens qui ne jurent que par « l'odeur du papier » ?

D. O. : Je n'ai jamais lu de ma vie un livre sur un support numérique, et je continue de fréquenter assidûment les librairies. Je n'imagine pas de passer une semaine sans aller le samedi flâner dans ma librairie préférée, l'Ecume des pages, près de chez moi à Paris. Je lis les pages littéraires des journaux, je découpe les articles quand les livres m'intéressent. Alors que je suis un grand amateur de musique et que j'avais une grande collection de CD, je suis immédiatement passé aux plateformes. Je n'avais pas un plaisir particulier de l'objet disque et la commodité du numérique n'a pas d'équivalent. Ce n'est pas le cas pour le livre. Il est déjà portable et on s'arrête et recommence quand on veut et comme on veut. Difficile de faire plus « user friendly ». Rien ne remplacera un livre... pour moi à tout le moins.

Avez-vous des bons souvenirs de la collaboration avec les éditeurs lorsque vous étiez à la tête de la Fnac ?

D. O. : D'excellents. Le livre était au cœur de nos enjeux. J'ai adoré l'utilité sociale de la Fnac pour la promotion du livre dans son ensemble, pas seulement les best-sellers. Un travail était fait sur la longue traîne. Il y avait le dynamisme de nos prix Fnac, ainsi que toute une action de soutien à la diversité de l'édition.

Vous avez été l'auteur d'un rapport sur le piratage. La menace est-elle toujours la même aujourd'hui ?

D. O. :A l'époque j'avais écrit un livre, La gratuité c'est le vol (Grasset, 2007), raison pour laquelle la ministre de la Culture, Christine Albanel, m'a confié cette mission. Je suis en quelque sorte le père biologique d'Hadopi. La question était à ce moment-là le piratage en peer to peer, qui a quasiment disparu. Hadopi et son principe de la riposte graduée ont été efficaces car la France a été moins piratée que d'autres pays, sans que la liberté fondamentale des internautes ne soit atteinte. Maintenant, ce n'est plus complètement adapté au streaming. Mais l'idée de base reste que tout créateur d'œuvres culturelles doit être rémunéré. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux, en tant que bon citoyen français, patrie qui a inventé le droit d'auteur et l'exception culturelle. J'étais extrêmement en faveur des droits voisins que les Gafa vont devoir payer à la presse. Il n'y a aucune raison que les journaux, qui ont une rédaction sérieuse et fabriquent de l'information de qualité, voient cette matière utilisée gratuitement par des plateformes, qui gagnent de l'argent via la publicité. Si les modalités varient dans le temps et selon les industries culturelles, le principe reste le même. Nous devons militer pour que la France continue d'être la championne du monde de la défense du droit des auteurs et des créateurs d'œuvres culturelles.

Vous êtes un grand lecteur. Quel est le dernier livre qui vous a bouleversé ?

D. O. : Ma découverte de l'été, avec bien du retard, c'est Nuit d'Edgar Hilsenrath. C'est bouleversant, un choc, une plongée terrible dans l'âme humaine. Comment les bourreaux déshumanisent leur victime. W

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