La médiation aboutira-t-elle ? Après avoir travaillé une vingtaine d’années chez Soleil, les éditrices Clotilde Vu et Barbara Canepa exprimaient depuis 2020 le souhait de prendre le large, insatisfaites de l’évolution de leurs conditions de collaboration. Ayant engagé de longues et infructueuses négociations amiables avec le groupe Delcourt, propriétaire de Soleil depuis 2011, elles ont finalement rejoint début 2023 les toutes nouvelles éditions Oxymore, lancées par Mourad Boudjellal au sein du groupe Madrigall, dont les premières parutions sont annoncées pour la rentrée prochaine.

Il s’agit de retrouvailles entre les deux femmes et l’homme d’affaires, puisque c’est déjà avec Mourad Boudjellal, fondateur de Soleil en 1989, qu’elles avaient ensemble lancé la collection jeunesse « Métamorphose » en 2008. De la même manière, en 2009, Clotilde Vu avait été à l’origine, en solo cette fois, de la collection d’adaptations littéraires « Noctambule », toujours chez Soleil.  

Ces deux collections sont aujourd’hui au cœur du conflit qui les oppose au groupe Delcourt. Faisant valoir qu’elles étaient conjointement autrices du nom et du logo de la collection « Métamorphose », Barbara Canepa et Clotilde Vu les ont emportés avec elles pour continuer d’y publier des titres chez Oxymore. Il en est allé de même pour le nom et le logo de « Noctambule » par la seule Clotilde Vu. A contrario, le groupe Delcourt leur a initialement contesté la propriété des droits d'exploitation des collections.

Un chiffre d'affaires multiplié par huit

Interrogée par Livres Hebdo, Clotilde Vu rappelle qu’elle était, avec Barbara Canepa, liée par un contrat de directrice de collection renouvelable tous les deux ans qui ne leur donnait plus satisfaction. Malgré un chiffre d’affaires de « Métamorphose » et « Noctambule » multiplié « par huit » depuis leur création, porté par le succès de séries comme Les Carnets de Cerise (plus d’un million d’exemplaires en cumulé), Billy Brouillard ou encore les albums de Riff Reb’s, les deux éditrices affirment n'avoir jamais été augmentées. « Nous avions aussi besoin d’un meilleur accompagnement des livres et des auteurs pour répondre à la pression de la concurrence et au fait que nos maquettes étaient de plus en plus imitées », se remémore Clotilde Vu.

Après de vaines discussions avec Guy Delcourt, fondateur et dirigeant du groupe, elles ont donc résilié leurs contrats, qui ont pris fin le 31 décembre 2022. « Nous avons proposé plusieurs accords à l’amiable à Guy Delcourt, mais qui ont été rejetés, précise Clotilde Vu. Nous avons alors lancé une procédure en référé pour contrefaçon contre le groupe Delcourt puisqu’il utilisait sans autorisation les noms et logos des collections à partir du 1^er janvier 2023. »

Une médiation ouverte 

Lors de l’audience du 7 juin dernier, la juge des référés s’est déclarée incompétente pour trancher la question de la propriété des noms et logos des collections « Métamorphose » et « Noctambule », ordonnant une médiation pour régler le litige. Dans leur communiqué, les éditions Oxymore ont néanmoins déclaré que « les ordonnances qui ont été émises empêchent le groupe Delcourt d’engager, à l’avenir, toutes actions en référé à l’encontre de Barbara Canepa et Clotilde Vu sur ce sujet ». Le communiqué s’appuie notamment sur le fait que « le groupe Delcourt a reconnu devant le tribunal que Barbara Canepa et Clotilde Vu sont bien les autrices des nom et logo de la collection “Métamorphose”, et que Clotilde Vu est bien l’autrice de ceux de la collection “Noctambule”. »  

C’est sur la base de ces positions a priori inconciliables que s’est ouverte la médiation. Le groupe Delcourt a rencontré le médiateur le 20 juin dernier ; le 26 juin, c’était au tour de Clotilde Vu et Barbara Canepa d’exposer leur position devant le médiateur. Une réunion tripartite devrait être organisée d’ici début juillet. En l’absence d’accord, le litige sera ensuite jugé au fond par le tribunal judiciaire si des poursuites sont engagées. Contacté par Livres Hebdo quant à sa décision future, le groupe Delcourt a pour l’heure refusé de s’exprimer.