23 août > Roman Ecosse > John Burnside

"La meilleure maison est celle dont on ignore où elle se trouve…" Kate ne sait plus trop quels sont ses piliers. Son père l’a élevée seul, sa disparition la laisse orpheline. Elle cohabite avec Laurits, mais leurs deux solitudes ne s’unissent pas dans l’amour. "J’avais besoin de m’arracher à la fastidieuse grisaille de mon existence routinière. Me soûler, dessoûler, faire une crise de parano…", tel, est son échappatoire. Au hasard de ses errances, elle est attirée par une demeure dans les bois. La propriétaire des lieux se nomme Jean. Une dame d’un certain âge qui ressemble à un sage. "C’était quelqu’un qui avait fait la paix avec le monde." Elle la reçoit en lui offrant des tisanes, des biscuits secs et des beignets aux pommes. On se croirait dans Hansel et Gretel, si ce n’est que Jean tient plutôt de la fée. Une figure féminine libre à laquelle Kate aimerait ressembler. La bienfaitrice lui propose un pacte: lui raconter plein d’histoires, à condition qu’elle cesse de boire. Marché conclu. Une fois sobre, la jeune fille se sent "proche du bien-être. Entière. Intacte." Née en Alabama, Jean lui confie petit à petit le récit de sa vie, dans l’Amérique des années 1960-1970. La guerre du Vietnam, la bombe atomique, l’injustice sociale et raciale, autant d’événements qui ont marqué une génération entière. A travers des personnages secondaires, comme Simon ou Jennifer, la sœur de Jean, on perçoit mieux l’impact de l’Histoire sur "le récit de l’âme" en souffrance. La révolte ou la résistance doit pouvoir déboucher sur une réconciliation avec soi-même. "On a tous intérêt à se rappeler quels enfants on a été", écrit l’écrivain écossais John Burnside. Ce poète des liens humains avait déjà imposé sa manière sensible dans Scintillation (Métailié, 2011) ou L’été des noyés (Métailié, 2014). La confrontation entre ces deux héroïnes féminines leur offre un espace de reconstruction. "Le bonheur, c’est une chose à pratiquer. Faire des beignets, fendre du bois. Il faut le prendre quand on peut, quel qu’il soit." L’important étant la pleine conscience, le mouvement et l’ouverture aux autres. Kerenn Elkaïm

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