Baptême du feu

De Kinshasa à Besançon en passant par Nancy, itinéraire du primo-romancier Steve Aganze

L'éditrice Emma Lormant a découvert le congolais Steve Aganze à travers la chronique d'un livre qu'il a faite sur les réseaux sociaux - Photo © ED

De Kinshasa à Besançon en passant par Nancy, itinéraire du primo-romancier Steve Aganze

Steve Aganze participe ce week-end au festival Livres dans la boucle, à Besançon, après avoir écoulé le week-end dernier au Livre sur la Place à Nancy tout le stock de son premier roman, Bahari-Bora (Récamier). Rencontre avec un étonnant voyageur de 25 ans, accompagné de son éditrice Emma Lormant.

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Par Éric Dupuy
Créé le 18.09.2025 à 17h34

Steve Aganze a vécu un baptême du feu réussi lors du festival de Nancy Le Livre sur la Place. Le jeune auteur congolais de 25 ans, diplômé en relations internationales et psychologie, a écoulé l'intégralité du stock de Bahari-Bora (Récamier), premier roman consacré aux femmes de République démocratique du Congo, d’où il a atterri seulement deux jours avant.

Le jeune homme découvrait l'Europe pour la première fois. « Je voulais profiter, rencontrer des gens, échanger sincèrement », confie-t-il à Livres Hebdo. Le succès a dépassé ses attentes. Le vendredi, il dédicaçait son premier livre « à Mathieu, de Nancy » et le dimanche avant midi signait ses trois derniers exemplaires. Ce jour-là, trois dames se présentent, dont une lectrice revenue après l'avoir croisé la veille qui lui confie n'avoir « pas oublié son regard, la façon dont on s'est regardés », évoque l’auteur d’une voix douce au phrasé subtil.

Aganze en signature
Steve Aganze a écoulé les cinquante exemplaires emporté à son premier salon, le livre sur la place de Nancy, en septembre 2025- Photo DR

Steve Aganze a conquis son public nancéien, écoulant les 50 exemplaires apportés par son éditrice Emma Lormant. Cette dernière se dit « bluffée » par le succès de son protégé. « Pour des premiers romans, on ne sait jamais l'accueil », reconnaît-elle, admirant la manière dont « les gens venaient à lui naturellement, c'était fou ».

Un parcours éditorial né d'une chronique

L'éditrice est tombée sous le charme de la plume du jeune africain il y a tout juste un an. « J'ai découvert Steve parce qu'il avait fait une chronique sur l'un de nos titres, Le printemps reviendra de Norma Howe. Quand j'ai vu les mots que Steve posait sur les femmes afghanes et la situation du pays, je sentais l'engagement ».

Alain Mabanckou festival de Nancy
Alain Mabanckou, rencontré à Nancy au Festival du livre sur la place 2025, a invité Steve Aganze au festival Atlantide à Nantes, en mars 2026 - Photo DR

Contact pris via Instagram, Emma Lormant découvre les posts « très engagés sur le Congo et sur la cause des femmes » et lui envoie « un message en lui disant que si un jour il écrivait un roman, j'aimerais beaucoup le lire », précise-t-elle. Steve Aganze avait déjà terminé son manuscrit dont Récamier a tiré 3 800 exemplaires en grand format et déjà cédé les droits du poche, accompagnant comme il se doit cette première plume venue de loin.

Reconnaissance et programmation

Au-delà de ces instants partagés avec des anonymes, le salon nancéien a permis à Steve Aganze des rencontres marquantes avec David Diop, Michel Bussi ou encore Alain Mabanckou, qui l'a invité au Festival Atlantide, à Nantes, en mars prochain.

La maison d'édition mise sur les salons et les libraires pour faire connaître cet auteur qui « a une vraie voix, un vrai combat à mener pour son pays, pour les femmes, pour les enfants qui sont les premières victimes », explique Emma Lormant.

En sélection dans le prix de la Vocation

« C'est assez fou que Steve doive passer par des maisons d'édition française pour pouvoir être publié », poursuit l'éditrice, qui espère que le titre va prospérer bien au-delà des frontières hexagonales, dans l’ensemble de la francophonie.

Après un passage sur RFI, à Issy-les-Moulineaux, Steve Aganze a rencontré son compatriote lauréat du prix Nobel de la paix, le docteur Denis Mukwege à Paris, reconnu pour sa défense des femmes agressées et mutilées, notamment en Afrique. Un sujet au cœur de l’intrigue de Bahari-Bora, premier roman sélectionné pour le prix de la Vocation.

Denis Mukwege et Steve Aganze
Le docteur Denis Mukwege reçoit Steve Anganze, le 17 septembre à Paris- Photo DR

Dans ces 240 pages, l’auteur raconte l’histoire de Bahari-Bora, 18 ans, qui parvient à s’enfuir après cinq années de captivité. Elle est face à un choix difficile lorsqu'à l'hôpital les médecins lui annoncent qu'elle est enceinte et lui conseillent d'interrompre sa grossesse.

« Bahari-Bora » signifie « Bel océan tranquille », en swahili. « C'est un paradoxe que je voulais montrer, explique l'auteur. Ce titre représente à la fois le personnage et le Congo car vu de haut, c'est un pays charmant avec de la végétation et de la verdure. Mais dès qu'on commence à atterrir, on découvre un enfer ».

L'éditrice a maintenu le titre original comme « porte d’entrée » dans le pays. « Pour moi, c'était important de garder le swahili pour faire entendre la musique du Congo ».

Steve Aganze
« Les gens venaient à lui naturellement, c'était fou », admire l'éditrice de Steve Aganze à Nancy, lors du festival du livre sur la place, en septembre 2025.- Photo DR

Pays dans lequel Steve Aganze va retourner dès la semaine prochaine, où il est à la recherche d’un emploi en relations internationales. Arrivé en France avec « une valise vide », il assure en repartir avec bien plus que le cœur plein. « J'ai grandi en tant qu'écrivain, en tant qu'homme », conclut-il, avant même son passage à Besançon, la ville natale de Victor Hugo, l’une de ses références…

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