Antoine Laurain s’est fait connaître du grand public en 2012 avec l’excellent Chapeau de Mitterrand, devenu un best-seller international, adapté à la télévision et au cinéma. On y découvrait son imagination, sa fantaisie, son art de mêler réalité et fiction, avec un léger soupçon de fantastique. C’est devenu, depuis, sa marque de fabrique. Où s’inscrit ce Millésime 54, un peu plus délirant peut-être, mais un bon cru.
Tout commence en 1978, dans un village du Beaujolais, quand Pierre Chauveau, après avoir bu sa bouteille de château-saint-antoine 54 de chez Jules Beauchamps, cuvée d’exception d’un petit vin de soif ordinaire, 800 bouteilles seulement, s’évapore en compagnie de sa chienne Ausweis, lointaine descendante d’un berger allemand, Sieg, abandonné par ses compatriotes après leur défaite. Cette nuit-là, un ovni avait survolé la campagne, comme dans La soupe aux choux.
En 2017, Bob Brown, un biker tatoué de Milwaukee, Wisconsin, mécanicien chez Harley-Davidson et francophone, arrive tout seul à Paris, sans sa femme Goldie, tombée dans le coma. Mais le voyage était calé de longue date. Ils en rêvaient. Il va loger au 18, rue Edgar-Charellier, dans un immeuble bourgeois bâti sur l’ancienne abbaye de Saint-Martin, chez Madame Renard, adepte d’Airbnb. Sur place, il va rencontrer, puis sympathiser avec Magalie Lecœur, dite Abby, jolie punk gothique, restauratrice de tous les objets abîmés; Julien Chauveau, l’arrière-petit-fils du disparu de 1978, un jeune homme timide, ufologue amateur et barman au Harry’s Bar, qui a craqué pour Magalie, mais n’ose se déclarer; et Hubert Larnaudie, président de la copropriété, dont la famille a fait bâtir l’immeuble en 1868, et qui y habite toujours. Un peu méfiant au début, ce dernier s’amadoue après que Bob l’a tiré de sa cave où des cambrioleurs l’avaient enfermé. Pour fêter ça, il invite toute la petite bande à déguster une bonne bouteille qu’il y a trouvée par hasard: un des 800 exemplaires du château-saint-antoine 54, bien entendu! Et c’est là que tout s’emballe.
Le lendemain, 15 septembre, journée du Patrimoine, quand Hubert sort dans la rue, il croit assister à une reconstitution. Paris semble revenu dans les années 1950. Il va vite se rendre compte qu’il n’est pas victime d’une illusion. En dégustant le fameux nectar "amélioré" par les extra-terrestres, ses amis et lui sont entrés dans les couloirs du temps. Et comme Les visiteurs, ils vont devoir en sortir afin de retrouver leur vraie vie. En 1954, ils n’existaient pas ou à peine. Ils n’ont plus de maison, de travail, et croisent des membres de leur famille disparus depuis longtemps… On serait déstabilisé à moins. Les voilà partis pour tout un tas d’aventures, cocasses, jusqu’à un épilogue heureux, forcément. Ça ferait un film épatant. Jean-Claude Perrier