Les croix roses. Ce premier roman de Dahlia de la Cerda réunit treize portraits de femmes plus ou moins liées entre elles. Construit sous la forme d'un ensemble de courts récits écrits à la première personne et dont les titres renvoient de façon imagée à la personnalité des héroïnes - « Le sourire », « Papillon de quartier », « On ne peut pas compter sur Dieu »... -, ce livre dessine une fresque polyphonique qui dépeint le sort et la condition des femmes au Mexique. « Il tue une petite fille de treize ans après l'avoir violée et jette le corps dans le fleuve. Une femme lapidée devant un cimetière. L'assassin était son petit ami. C'était son époux. C'était son ex. C'était son amant. C'était son père. C'était son fils. C'était un homme. » L'écrivaine prête sa plume aux cris d'urgence que génère la quantité de féminicides, de viols et de violences qui s'exercent dans son pays.
Chiennes de garde s'ouvre sur un avortement en solitaire et enchaîne sur le récit de Yuliana, devenue La Patronne, cheffe héritière d'un puissant narcotrafiquant, qui entend bien venger l'assassinat de son amie Regina ; puis une jeune fille se fait passer pour un garçon et sème la terreur en dépouillant les passants et en pillant les maisons, pour remplir les placards de sa mère ; la sœur de Regina se rêve mariée avec un homme de pouvoir, mais la diffusion d'une vidéo de revenge porn menace de la détruire ; La China, après avoir été guetteuse pour un cartel et tueuse, est engagée comme garde du corps de Yuliana et devient peu à peu sa confidente ; une trans raconte sa dernière nuit, lorsqu'elle se fait suivre par une voiture et tuée par « quatre connards à son bord ».
Qu'elles viennent des quartiers populaires, qu'elles appartiennent à l'élite ou aux cercles les plus riches, qu'elles soient victimes, bourreaux, les deux à la fois, ces femmes se débattent continuellement contre les violences et les humiliations imposées à leur genre. Ici, course à la survie et course à l'honneur se confondent, « être une femme est un état d'urgence ». Le dernier chapitre, « La Huesera », s'adresse à une amie disparue. « Tu savais qu'au Mexique, tous les jours, sept femmes sont assassinées ? [...] Je me suis sentie horrible. Je me suis sentie pire que tout, parce que si j'avais su qu'il était dangereux d'être une femme dans ce pays de merde, jamais je ne t'aurais laissée quitter cette fête toute seule. »
Entre moments d'introspection et scènes d'action sanglantes, l'écrivaine adopte un ton cru et un rythme soutenu pour traduire ces voix et ces corps à vif. Telles les croix roses dans les villes du Mexique, ces récits sont les témoignages de la réalité sociale et politique des féminicides. En écrivant Chiennes de garde, Dahlia de la Cerda a accompli la mission énoncée par La Huesera dans le dernier chapitre du livre : « Rassembler les os des femmes mortes, les souder, raconter leurs histoires avant de les laisser courir librement là où ça leur chante. »
Chiennes de garde
Ed. du sous-sol
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 21,50 € ; 240 p.
ISBN: 9782364687189