Quand un livre reparaît au format de poche, deux solutions se présentent, en gros, à l’éditeur pour rédiger la « quatrième de couverture » : soit il reprend celle de l’édition originale, soit il crée de toutes pièces son propre texte. Entre les deux, tous les aménagements sont possibles. C’est pareil pour la couverture, d’ailleurs – mais ne nous occupons pas de cela aujourd’hui. Je prends quelques exemples au hasard – pas tout à fait au hasard, sinon celui de mes lectures récentes. Au Livre de poche, on a procédé à des retouches pour Un sentiment d’abandon , de Christopher Coake. Le texte proposé par Albin Michel devait à peu près convenir. Deux phrases ont été rassemblées en une seule : « le premier livre de Christopher Coake annonce la naissance d’une voix singulière et puissante. Ce qui distingue cette voix, c’est son lyrisme et son art de susciter l’émotion » devient « la naissance d’une voix singulière et puissante, remarquable par son lyrisme et » … Une autre phrase a disparu : « L’amour, la mort, la force désespérée avec laquelle on s’accroche à la vie… » La citation de Nick Hornby est restée, celle de Robert Olen Butler a été remplacée par deux extraits de critiques françaises (Martine Laval, de Télérama , et Olivia de Lamberterie, de Elle ). Du travail correct et sans faux plis. André Gorz a écrit lui-même l’essentiel de la quatrième de couverture de Lettre à D. Histoire d’un amour , chez Galilée comme chez Folio. Le second éditeur fait en effet le même choix que le premier en citant le premier paragraphe du récit et en y ajoutant trois lignes, identiques : « André Gorz revient avec cinquante ans de recul que les années décisives de son histoire. Il restait beaucoup à dire. Car ce n’était pas la sienne seulement. » Au contraire de l’auteur, rien à dire. Au dos des Disparus , de Daniel Mendelsohn, Flammarion avait inséré deux paragraphes en guise de présentation, dont J’ai lu reprend la substance et la structure en réécrivant le texte sous une forme condensée. Les citations américaines ont disparu au profit d’extraits d’articles parus dans Lire et dans Télérama , sans noms d’auteurs. Comme je devine chez vous un brin de frustration, je peux vous dire que Philippe Coste se cache (bien malgré lui) derrière le titre du mensuel et Christine Ferniot (tout autant malgré elle) derrière celui de l’hebdomadaire. Il faut ajouter que l’édition de poche complète l’information avec une brève note biographique dans laquelle ne sont pas oubliés les prix Médicis étranger et Lire – tiens ! je ne savais pas que Lire décernait des prix littéraires, je croyais tout bêtement qu’il s’agissait des 20 meilleurs livres de l’année, liste en tête de laquelle se trouvaient Les disparus en 2007… Dans le cas d’une collection de poche « maison », comme Piccolo chez Liana Levi, les choses paraissent simples puisque, surtout dans une structure de taille modeste, la même personne (sauf passage de relais pour cause de CDD) s’est probablement occupée de Comment lui dire adieu , de Cécile Slanka, pour l’édition originale comme pour la réédition. Et il n’y a aucune raison de penser que le travail avait été bâclé la première fois. Donc, la présentation du livre est la même, à la virgule près. En revanche, l’auteure a dû faire un peu de chemin depuis 2007, si l’on en croit les modifications du texte qui la concerne. Elle a toujours vécu diverses (au lieu de « quelques ») « séparations et ruptures de contrat » , mais il n’est plus question d’Unifrance qu’elle avait « rejoint pour promouvoir le cinéma français dans le monde. » Une rupture de plus, imagine-t-on, puisque, dans l’édition de poche, « elle s’est finalement fait la malle pour se consacrer à l’écriture. » De l’art et de la manière de construire une biographie à travers les quatrièmes de couverture… De couverture, Catherine Millet n’en éprouve pas le besoin au dos de La vie sexuelle de Catherine M. en version rose de Points, spéciale saint Valentin. En chair et à poil, la célébrité est passée par là depuis l’édition originale au Seuil, dans la collection Fiction & Cie , quand il fallait encore présenter le livre et la dame. Donc, cette fois, une photo, une seule (celle déjà qui servait d’illustration dès la première apparition   – si j’ose dire – en Points), et quelques mots : « Mon habit véritable, c’était ma nudité, qui me protégeait. » Vous m’en direz tant… A l’attention des collectionneurs de photos de Catherine M. nue (ou presque : le dos, d’ailleurs vu de dos, est cette fois vêtu), je précise que, dans la même série limitée rose, ils en trouveront une autre au verso, c’est le cas de le dire, de Légendes de Catherine M. , par Jacques Henric. (Je tente ainsi, maladroitement, de rattraper la note que je voulais écrire sur les quelques titres parus pour la saint Valentin, et que ma Valentine, dont je me préoccupe quand même un peu entre les couvertures, m’a empêché d’écrire.) Tout cela est bien long, mais je n’ai pas eu le temps de faire court. Je voulais surtout en venir à une troisième manière de rédiger une quatrième de couverture, qui ne devrait pas exister mais qui a été débusquée par Blandine Longre, « blogueuse » elle aussi. Elle a eu la (mauvaise) surprise de retrouver, dans la version 10/18 de Doppler , un roman d’Erlend Loe, une version aménagée du texte qu’elle avait consacré à ce livre quand il était paru en 2006 chez Gaïa. Le procédé est non seulement paresseux mais aussi malhonnête. A moins qu’il soit question d’engager prochainement Blandine Longre comme rédactrice de quatrièmes de couverture chez Univers Poche… P.S. Béatrice Longre raconte ici comment 10/18 a fini par s’excuser et promettre une nouvelle quatrième de couverture, déjà en ligne .  

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