Japan Expo

Comment faire place aux mangakas français ?

Japan Expo 2018 - Photo Olivier Dion.

Comment faire place aux mangakas français ?

En vogue dans les maisons d’éditions, le manga reste majoritairement importé du Japon. À l’heure où émergent de plus en plus de mangakas français, les maisons d’édition cherchent à adapter les codes de publication japonais pour répondre aux attentes du lectorat français, et faire place à ces nouveaux auteurs made in France.

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Par Maïa Courtois,
Créé le 06.07.2018 à 19h00

D’une "histoire d’amour entre deux adolescentes" à celle d’un "canard qui veut aller dans l’espace": les quatre séries de mangas à paraître sur papier chez H2T explorent des registres bien différents. Vivier de futurs talents français, la maison d’éditions rachetée par Hachette mise sur l’émergence de mangakas français. "En France, les maisons d’éditions ont toujours, à 95%, publié des projets du Japon, avec achats de licence et traductions. Mais désormais, il y a en parallèle d’autres projets: ceux d’auteurs français, qui font de la création originale", commente Mahmoud Larguem, cofondateur de H2T, lors d’une conférence à l’occasion de la Japan Expo. Pour repérer ces derniers, la maison d’éditions "fouille sur les réseaux sociaux, navigue sur internet pour dénicher les talents de demain et leur proposer des collaborations".
 
Les auteurs français émergents ont des parcours variés. Jeudi, les éditions Glénat rassemblaient quatre d’entre eux autour d’une table ronde. Christophe Cointault, auteur de la série Tinta Run, était inspecteur des impôts, dans sa "vie d’avant". VanRah, qui a récemment fait paraître Mortician, exerce toujours, elle, comme ostéopathe-pédiatre: "j’ai commencé en dessinant d’abord pour mes jeunes patients". Pour devenir des mangakas français reconnus, ces artistes ont beaucoup appris en autodidacte, en glanant des conseils autour d’eux. "Aucun d’entre nous ici n’est diplômé d’une école de manga", sourit Christophe Cointault.

Une collaboration récente
 
"Je ne pensais pas qu’en étant auteur français comme moi, on pouvait devenir mangaka", s’étonne encore Antoine Dole (aka Mr Tran), qui en a pourtant toujours eu envie. L’auteur de la bande dessinée populaire Mortelle Adèle avait une idée de scénario de manga, mais ne voulait pas le proposer à un éditeur avant d’avoir trouvé un illustrateur. Une connaissance commune l’a mis en relation avec le dessinateur talentueux Vinhnyu. Après une réponse positive de Glénat, leur série 4Life était lancée, avec un premier tome tout juste sorti début juillet.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
 La relation avec les éditeurs reste très variable d’un auteur à l’autre. VanRah est fière d’affirmer qu’elle a "carte blanche pour travailler toute seule de A à Z". Christophe Cointault, lui, préfère les échanges rapprochés avec son collaborateur chez Glénat: "on discute presque tous les jours sur Facebook, y compris pour des petits détails de dessin. Ça me fait marrer. Lui me dit qu’on apprend ensemble." Cependant, VanRah tient à rappeler que la mise en relation entre maisons d’édition et mangakas français est récente: "en 2008, quand j’ai commencé à démarcher les éditeurs, c’était mission impossible. Ça ne se faisait pas de bosser avec un auteur français, il n’y avait pas de ligne éditoriale prévue pour ça." Et l’auteure de prendre sa revanche: "Je me suis faite décourager par beaucoup d’éditeurs, y compris Glénat. On me disait d’aller faire une école de dessins, de commencer par apprendre les bases."

Adaptation des choix éditoriaux et graphiques
 
Au Japon, les maisons d’éditions jouent d’un système de prépublication pour faire découvrir aux lecteurs les nouveaux auteurs. Chapitre par chapitre, des mangas sont publiés sur du papier recyclé, diffusé à moindre coût. Un avant-goût de la parution complète de l’ouvrage. "Sauf qu’en France, le lectorat n’a pas l’habitude de ce format "jetable". On a donc pris le parti d’imiter le système de prépublication, mais avec une plateforme numérique", présente Mahmoud Larguem de H2T. Leur plateforme compte une vingtaine de séries en prépublication. De quoi avoir des "feedbacks de lecteurs" que le mangaka peut prendre en compte pour solidifier la suite de son histoire, et répondre à leurs attentes.
 
La problématique de l’adaptation éditoriale pour une diffusion mondialisée se pose aussi côté japonais. Takumo Norita, animateur de Pandora Hearts et Broken Blade, en pleine séance de live drawing à la Japan Expo, esquisse un jeune garçon au point levé. "De plus en plus, dans les mangas et l’animation, les personnages se ressemblent, au point qu’il en devient difficile pour les lecteurs de mémoriser des personnalités, de s’y identifier." Le succès de l’export a un coût, graphique et créatif. Norita lève le feutre du tableau devant lequel il est accroupi. "Des éditeurs m’ont déjà demandé de délaisser mes techniques purement japonaises, et de m’imprégner de la mode vestimentaire des pays étrangers pour mes personnages. J’ai dû réfléchir pour changer ma manière de dessiner."

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