Montpelliérain presque quadragénaire, Romain Puértolas a, semble-t-il, pas mal bourlingué, et pratiqué un peu tous les métiers : DJ, compositeur, professeur, steward ou magicien dans un cirque. Pas fakir, apparemment, même s’il en a les capacités : imagination, bagout, humour, habileté, et une belle empathie pour ses frères humains. Ce qui n’est pas le cas - tout du moins au début car il s’amendera au fil de ses mésaventures et ouvrira son cœur - de son héros, Ajatashatru Lavash Patel, un fakir indien et hindou du Rajasthan.
Patel, donc, est un escroc, qui est parvenu à embobiner ses concitoyens afin qu’ils lui financent un voyage express à Paris. Son but, rapporter de chez Ikea - chaîne de magasins dont il est question qu’il s’en ouvre en Inde un jour, mais ce n’est pas encore fait - un lit à clous tout neuf et performant ! Pour tout viatique, il ne dispose que d’un faux billet de 100 euros. Arnaqué par Gustave Palourde, un chauffeur de taxi gitan qui le conduit à Evry, l’aigrefin découvre son paradis et s’y trouve si cosy qu’il décide d’y passer la nuit. Mais à cause d’une ronde, il s’enferme dans une armoire, laquelle se voit embarquée vers l’Angleterre. C’est le début d’une série de tribulations toutes plus rocambolesques les unes que les autres, en Grande-Bretagne, à Barcelone, à Rome, à Tripoli, avec retour à Paris pour une happy end inattendue. Au passage, Patel, poursuivi par son Gitan vindicatif et sa famille, qui ont un cousin coiffeur à Rome et s’en vont bien sûr passer des vacances à Barcelone, rencontrera Marie Rivière, une gentille Française célibataire qu’il ne laisse pas indifférente, Wiraj le Soudanais et ses cinq compagnons d’infortune, immigrés clandestins un peu partout à travers la passoire européenne, Sophie Morceaux, sa bonne fée, qui lui présentera Gérard François, le patron des éditions du Grabuge, qui offre 100 000 euros à Patel pour qu’il écrive le récit de ses aventures. C’est là qu’on se souvient que l’on nage en pure fiction, mais espérons pour Romain Puértolas, qui s’est institué le porte-plume de son fakir, que son éditeur a été aussi munificent. Son roman, en tout cas, est un petit bijou d’humour pince-sans-rire, un road trip farfelu, sans oublier une invite à la tolérance et à l’ouverture à l’Autre, une parabole un peu conte de fées, où tout le monde, in fine, se révèle sympa. Même Gustave Palourde. J.-C. P.