avant-portrait > Peter Greste

Tout juste débarqué à Londres, l'Australien Peter Greste combat le décalage horaire. Le grand reporter n'a pas traversé la moitié de la Terre pour un article, mais pour un congrès consacré aux fake-news, fléau qui va à l'encontre de sa quête de vérité. S'il n'a pas toujours rêvé d'être journaliste, sa vocation est liée à son insatiable curiosité. « Enfant, je m'intéressais déjà à tout. Alors que les Australiens souffrent de la "mentalité de l'île", j'ai toujours su qu'il y avait un monde à explorer. » Un sentiment renforcé par son père, réfugié letton passionné d'histoire, de politique et de philosophie européenne.

Préserver l'intégrité

Peter Greste avoue qu'il ne savait pas trop quoi faire à 18 ans. En éliminant plusieurs pistes, il entreprend des études journalistiques. Il débute dans une chaîne de télévision régionale, puis devient reporter pour Reuters, la BBC et Al Jazeera. L'Afghanistan et le continent africain font partie de ses terrains de prédilection. « Il s'y déroule dans l'indifférence générale des conflits dans des lieux isolés. Mon rôle ? Témoigner de la souffrance des gens, afin qu'ils puissent être entendus quelque part. »

En 2013, alors que l'Egypte a connu l'espoir du « printemps arabe », le pays bascule sous le joug des Frères musulmans. Peter Greste vient en rendre compte. Il est arrêté au Caire, sur ordre du ministère de l'Intérieur. Au cours d'un procès kafkaïen, il saisit à quel point « la vérité peut se montrer surréaliste, malléable » et manipulable. « Son prix est hélas très élevé, comme en témoigne le nombre de journalistes emprisonnés ou tués. » S'ils ont longtemps été perçus comme des « témoins neutres », les journalistes sont devenus « des ennemis ». Quel choc pour Peter Greste d'être condamné pour « terrorisme ». « C'était si absurde ! » Les larmes aux yeux, il se remémore la prison. L'attention internationale lui évite la torture. Mais face « au temps interminable » de l'emprisonnement, il craint de basculer dans la folie. Il tient grâce à « une gymnastique mentale et spirituelle » et aux soutiens des siens et des grands médias. Au quotidien, la solidarité des prisonniers politiques qui l'entourent lui donne des forces. « Comment ne pas songer à tous mes confrères oubliés ? »

Investi d'une mission

Depuis sa libération en 2015, Peter Greste goûte chaque instant de la vie. « L'Egypte a essayé de me faire taire, alors je leur dis : Fuck you [rires] ! » Il se sent investi d'une mission. « Un journaliste n'écrit pas sur lui, mais mon récit dépasse mon histoire personnelle. Il nous apprend quelque chose quant à la condition humaine. » Le livre s'inscrit d'ailleurs dans la collection « De facto », dirigée par Gaspard Koenig, où des analystes vont sur le terrain pour mesurer leurs idées à la réalité.

Mélange de douceur et de fermeté, Peter Greste se bat pour que la liberté d'expression ne recule plus. « Les médias sont devenus une cible pour les terroristes et les régimes totalitaires. Les tempêtes politiques, les populismes, les révolutions technologiques, la quête sensationnaliste, la précarité et la décrédibilisation des journalistes rendent notre métier plus dur. Or garantir un journalisme de qualité est inhérent à la démocratie. »

Peter Greste se bat pour l'éducation aux médias. Il siège à l'Unesco, signe des chroniques et produit des documentaires, mais il tient aussi à enseigner son métier à l'université du Queensland. « Mes étudiants sont si inspirants que je ne peux que rester optimiste. »

Peter Greste
Voyage d’un reporter au paysde la censure - Traduit de l’anglais par Élise Fromentaud
Éd. de l’Observatoire
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 21 euros, 448 p.
ISBN: 9791032905289

En dates

1965

Naissance à Sydney

1983

Etudes de journalisme, à Brisbane, puis « 25 ans sur les routes » comme reporter

2013

Arrestation et emprisonnement en Egypte, à la prison de Tora Liman et Mazraa. Il est libéré, mais pas gracié, après « 369 jours de calvaire »

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