Après deux années de morosité et d'interrogations, liées à la réforme du collège, les ventes des classiques pédagogiques étaient parvenues à retrouver une certaine stabilité. Sur la période d'avril 2018 à mars 2019, GFK estime la progression de leur vente à 1 % en valeur et à 1,5 % en volume. Mais la réforme du lycée, et avec notamment les changements apportés aux programmes et aux épreuves du bac français qui entrent en vigueur dès la rentrée de septembre, va à nouveau rebattre sérieusement les cartes d'un marché fortement concurrentiel, ravivant « une bataille féroce entre éditeurs », pronostique Cécile Labro, directrice du parascolaire chez Hachette Education.
Prudence
A partir de septembre, les enseignants des premières généralistes et technologiques, qui étaient auparavant libres dans le choix des textes étudiés en classe, sont en effet de nouveau contraints par l'Education nationale. Les programmes imposent la lecture de quatre textes à choisir dans une sélection de seize œuvres, qui s'inscrivent elles-mêmes dans quatre objets d'études : la poésie ; le roman et le récit ; le théâtre ; la littérature d'idées. Conséquence immédiate d'une telle décision : les ventes vont se concentrer sur ces textes sur lesquels les éditeurs portent fort logiquement toute leur attention en 2019.
Commercialisées pour une petite minorité en mai, les nouvelles éditions pédagogiques des œuvres prescrites, très classiques, vont donc se bousculer fin août sur les tables des librairies. « Vu l'ampleur de la tâche, rendue encore plus compliquée en raison de l'arrivée tardive des programmes, début mars, il aurait été difficile de publier avant », souligne Carine Girac-Marinier, directrice du périscolaire chez Larousse. Encore au travail, comme Séverine Merviel, directrice marketing de Nathan secondaire, qui ne savait pas, à la mi-avril « la tête qu'aura la nouvelle gamme » des « Carrés classiques », les éditeurs restent donc très prudents, et secrets, sur leurs nouvelles moutures. Introduction de questions de grammaire, qui fait son apparition aux épreuves, effort sur le commentaire composé ou sur l'accessibilité et la lisibilité des œuvres et des dossiers, enrichissement des éléments historiques et artistiques pour coller aux parcours culturels qui accompagnent chaque œuvre et la restituent dans son contexte culturel, chacun y va de sa spécialité pour « donner le plus possible d'informations et d'outils aux enseignants et aux élèves », affirme Rachel Duc, directrice du parascolaire chez Hatier. L'objectif reste aussi, évidemment, de trouver la formule idoine pour se démarquer de la concurrence et recueillir les faveurs des enseignants.
Présence
Autre stratégie, être présent sur le plus grand nombre possible d'œuvres prescrites. C'est notamment l'objectif du leader du marché, Flammarion, et de Belin Education, qui proposera treize ouvrages sur les seize indiqués, tout en promettant un « cahier pédagogique entièrement repensé », assure-t-on dans les deux maisons.
Toutefois, la filiale du groupe Humensis compte également sur la mise en place d'une PLV en magasin à la rentrée, une action « inédite pour nous mais nécessaire pour se faire une place dans le flot des publications », indique Fabrice Bertocci, directeur commercial et marketing de Belin Education.
Chez Flammarion, Pauline Kipfer, directrice éditoriale des formats poche de la marque, fait un second pari. S'appuyant sur l'expérience de la maison en BTS, où ce genre d'ouvrage domine, elle proposera à la fin de l'été deux recueils thématiques, Le pouvoir de la parole et Les représentations du monde, destinés aux élèves ayant choisi la spécialité Humanités, littérature et philosophie. L'éditrice se sert aussi de ces livres, réalisés conjointement par des enseignants de français et de philosophie, pour tester l'introduction de cette dernière discipline dans la collection « Etonnants classiques ».
Ouverture
Troisième axe de la stratégie de Flammarion pour conserver le leadership sur le segment, la poursuite de la publication d'auteurs contemporains. Misant sur le « désir des enseignants, libres de leur choix en seconde, d'ouvrir les champs et de sortir des sentiers battus », Pauline Kipfer sort en mai Les champs d'honneur de Jean Rouaud et Des jours et des nuits à Chartres d'Henning Mankell, « deux paris ». Arrivé à la même réflexion, Laurent Breton, directeur du pôle grand public de Magnard, « ne faiblit pas sur ce volet » et annonce l'arrivée d'Alexis Michalik et de Václac Havel dans son catalogue.
Au Livre de poche (LGF), L'herbe rouge de Boris Vian et M. Rose et autres nouvelles d'Irène Némirovsky font leur entrée dans la collection « Les classiques pédago ». Isabelle Dubois, directrice éditoriale du pôle classique de LGF, espère aussi attirer les enseignants avec La parole est un sport de combat de l'avocat Bertrand Périer, « qui constitue un outil précieux pour se préparer à la nouvelle épreuve du grand oral ». W