La Mexicaine Aura Xilonen avait 19 ans en 2015, quand elle a publié dans son pays ce premier roman qui lui valut le statut de "révélation des lettres mexicaines". La toute jeune femme s’est glissée dans la peau de Liborio, 17 ans, un émigré mexicain, clandestin dans une ville du sud des Etats-Unis. Un jeune "wetback" qui a traversé le Rio Bravo seul à la nage en rêvant d’un futur meilleur. Gabacho - synonyme de gringo - est un roman coup de poing au sens propre comme au figuré : ça bastonne, ça dérouille à tour de bras dans une ambiance de western urbain et contemporain.
Au début de ce monologue teigneux, l’adolescent est employé dans une librairie hispanique d’un quartier latino et est hébergé dans la boutique tenue par "le boss". Ce qu’il a laissé derrière lui de l’autre côté de la frontière, et que son récit dévoile par flash-back, est à peine moins féroce que ce qu’il a trouvé dans cette ville où il se fait traiter de "sale peau-rouge" à chaque coin de rue. Où un clandestin isolé comme lui est condamné à un quotidien de chien errant, toujours aux aguets, en sécurité nulle part. Surtout quand la librairie est mise à sac et qu’il se retrouve à nouveau sans toit. Sur ce chemin de galères où il croise des "crevards", des "kékés", des "guignols". Quelques mains secourables se tendent pourtant, comme celle du responsable d’un foyer pour enfants des rues. Le porte aussi l’amour fantasmé qu’il voue à Aireen, la "gisquette" pour qui il n’hésite pas à jouer les justiciers risque-tout en faisant parler ses poings. Poings qui, avec les livres et le dictionnaire qu’il dévore méthodiquement, vont finir par le sauver.
Aura Xilonen raconte cette vie de desperado, inspirée du parcours de son grand-père, migrant devenu boxeur, dans une langue inventive et enragée qui mêle insultes triviales, expressions désuètes, ingleñol… Et mène ce percutant premier roman sur les rythmes métissés du rap des Portoricains de Calle 13, la playlist de son héros. V. R.