Grégoire Courtois : En suivant les informations de Locus Magazine, j'ai d'abord vu que mon roman faisait partie des livres préférés de 2019 de la rédaction, ce qui m'a fait déjà très plaisir. Il m'a fallu quelques heures avant de comprendre que cette sélection faisait office de nomination. C'est sur ces listes que se basent les votants pour décerner le prix Locus, qui est un prix décerné par les lecteurs. Tout le monde peut d'ailleurs voter, partout dans le monde, jusqu'au 15 avril sur ce site. Pour ce qui est de succéder à Emmanuel Carrère, seul auteur français déjà sélectionné, il y a 30 ans, on ne peut pas dire qu'il ne se soit rien passé durant cette période en France dans la littérature fantastique ou de science-fiction. Ce que ça révèle surtout, c'est une particularité inquiétante de l'édition américaine : très peu d'ouvrages étrangers sont traduits.
A l'occasion de cette parution, j'ai appris qu'aux États-Unis, la littérature traduite ne représentait que 6% du marché : 94% pour la littérature américaine et 6% pour tout le reste du monde. C'est terrifiant de voir un lectorat à ce point renfermé sur lui-même, sur sa propre culture, sans même avoir la possibilité de se confronter à d'autres points de vue.
LH: Pourquoi avoir choisi de publier Les lois du ciel au Quartanier, un éditeur québécois ?
GC: Les lois du ciel est mon troisième roman édité par le Quartanier, avec qui je travaille depuis le tout début. C'est naturellement que je leur ai proposé ce manuscrit, même si j'avais beaucoup de doute sur le fait qu'il puisse être édité, en raison de sa violence et de son nihilisme. Mais après avoir lu le texte, Eric de Larochellière, mon éditeur, m'a dit "Je n'ai jamais rien lu de pareil. Bien sûr qu'on le fait." C'est un éditeur qui a une vraie politique d'auteur, c'est-à-dire qu'il accompagne sur le long terme, quelles que soient les voies prises par ses auteurs. C'est précieux à une époque où les éditeurs valsent d'une maison à l'autre.
LH: Comment expliquez-vous ce succès du livre auprès des lecteurs aux États-Unis ?
GC: C'est d'abord grâce à Coach House Books, qui jouit d'une excellente réputation outre-Atlantique. La presse et les libraires sont particulièrement attentifs à leurs publications qui sont toujours très réfléchies. Par conséquent, The laws of the skies a été repéré très tôt et a bénéficié d'une couverture médiatique incroyable (New York Times, Publishers Weekly, Paris Review...). La traduction de Rhonda Mullins, qui a été saluée par de nombreux critiques, a forcément joué un rôle aussi.
Ensuite, le côté "horreur à la française" a pesé. Les critiques américains ont théorisé une vague de cinéma français d'horreur, qu'ils ont baptisé "the new French extremism" et où l'on trouve les cinéastes Claire Denis, Alexandre Aja, Pascal Laugier et ont naturellement associé The laws of the skies à ce courant. Enfin, le côté radical du livre fonctionne aussi très bien. Ça a aussi été le cas en France lors de la publication en poche chez Folio policier. C'est un livre qui provoque de fortes réactions, positives ou négatives, chez les lecteurs.
LH: Y a-t-il d'autres projets en cours autour du livre ?
GC: Je crois que des achats de droits de traduction sont en cours et beaucoup de studios de cinéma ont demandé à lire le livre. Mais rien de concret n'en est sorti pour l'instant. Il faut dire que monter une production pour filmer des enfants de 6 ans qui meurent les uns après les autres, ça ne doit pas être simple.
LH: Après la publication de votre nouveau roman Les agents, quels sont vos projets ?
GC: J'écris tout le temps et depuis très longtemps. Donc j'ai quelques manuscrits d'avance. Ce que j'écris en ce moment ne sera en librairie que dans plusieurs années, si tout va bien. Alors comme tout le monde aura oublié d'ici là, je peux vous dire que je travaille sur un livre fantastique très cérébral et conceptuel. Je ne crois pas que quiconque aura envie de lire ça, alors j'ai encore plus envie de l'écrire.