12 février > Roman Angola

Il est désormais établi que José Eduardo Agualusa, 54 ans, Angolais, appartient, avec le Mozambicain Mia Couto, au plus inventif de la littérature luso-africaine contemporaine. Cinq romans, tous publiés chez Métailié, ont installé l’univers créole du romancier dans lequel son pays natal tient une place centrale. Le dernier paru en français en 2011 s’intitule Barroco tropical : on ne saurait trouver meilleur qualificatif. Théorie générale de l’oubli en dépit de son titre d’essai philosophique s’abreuve au même fleuve romanesque en s’attachant à l’histoire vraie de Ludovica (Ludo), une Portugaise recluse volontaire, morte en 2010 à 85 ans, qui est restée enfermée dans un appartement de Luanda pendant près de trente ans.

Toute petite déjà, à Aveiro, au Portugal, la fillette était effrayée par le ciel. Sa peur du dehors empire quand elle part vivre avec sa sœur et son mari, Orlando, à Luanda, capitale de l’Angola, dans un appartement au onzième et dernier étage avec terrasse. Et lorsque, en 1975, à la veille de l’indépendance et au début de la guerre civile, le couple disparaît sans laisser de traces, Ludo mure la porte d’entrée, s’enferme avec Fantôme, un berger allemand albinos, et organise sa survie, semant maïs et haricots, volant des poules à ses voisins, tendant des pièges aux pigeons qui survolent la terrasse…

Autour de la vie réelle de Ludo, du journal qu’elle a tenu, écrit au charbon de bois sur les murs quand le papier a manqué, Agualusa a tressé les fictions de plusieurs personnages aux vies pleines d’accidents, pris dans une histoire chaotique et instable, tous reliés à l’appartement par "la subtile architecture du hasard". Incarnant aussi les positions d’un conflit existentiel et politique entre ceux qui estiment "nécessaire de pratiquer l’oubli" et ceux qui pensent qu’"oublier c’est mourir". "Oublier c’est capituler." La position du romancier, sans doute.

V. R.

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