Ce n'est pas l'envie qui nous en manque, mais, naturellement, on ne dévoilera pas ici le fin mot du titre, aussi énigmatique que vendeur, du nouveau roman de Christophe Donner, lequel se veut la suite du passionnant La France goy, paru en 2021.
Disons simplement que le Général en question est, bien entendu, Charles de Gaulle. On le suit depuis 1916, capitaine blessé et fait prisonnier à Douaumont, présumé mort, décoré, mais en fait interné dans des camps dont il n'aura de cesse de s'évader, puis adoubé par son supérieur, le général Pétain, à qui il sert de nègre pour un livre avorté, Le soldat, qu'il réutilisera à son compte pour en faire Vers l'armée de métier (1934), à la grande fureur de l'autre, devenu entre-temps académicien français ! On sait ce que deviendront leurs rapports après 1940, et l'on suit de Gaulle jusqu'à Londres, dans le bureau où il reçoit ceux qui l'ont rallié.
Quant à la grand-mère, c'est Denise Gosset, surnommée Amin, fille d'Henri, l'arrière-grand-père pionnier de la kinésithérapie et héros de La France goy en dépit de ses amitiés pour Édouard Drumont et Léon Daudet. Mère de Renaude, la mère de Christophe Donner, Amin était veuve de Jean, résistant, compagnon de la Libération, mort en 1944 au camp de Neuengamme. Femme complexe, elle se voulut un temps artiste, fréquentant les Beaux-Arts et posant nue pour des sculpteurs, dont un certain René Iché. Ce sera tout pour les indices.
Sinon, le roman, où s'entremêlent intrigues, époques et personnages, est largement consacré à l'épisode tragico-grotesque de la mort de Philippe Daudet, le fils du « gros Léon », leader de l'Action française, membre des Camelots du roi, antisémite, délateur et fasciste notoire, mort en 1942. Le malheureux gamin, très perturbé, tenté d'assassiner ce père qui l'écrasait, s'est suicidé en 1923, à 14 ans. Léon ne s'en est jamais remis. Il a prétendu que le garçon avait été assassiné par la police, s'est lancé dans des procès qu'il a perdus, a même été emprisonné, puis, évadé, s'est exilé en Belgique, de 1927 à 1929.
Quant à Christophe, il raconte tout ça dans des carnets, qu'il vend virtuellement à un amateur bizarre, un certain Otto Zorn, en échange de millions d'éthers, le nouveau bitcoin. Que sa femme Dora espère bien convertir en euros sonnants et trébuchants ! Le récit est emmêlé en apparence, mais parfaitement maîtrisé, savoureux, et, à la dernière page nous est révélée l'énigme du titre.
Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du Général
Grasset
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 22 € ; 352 p.
ISBN: 9782246813217