Né dans le Quercy. Dans le Quercy mourra. Cette terre de causses et de grandes vallées, Christian Signol s'y accroche et la raconte depuis trente ans dans ses romans qui s'écoulent à des dizaines de milliers d'exemplaires. Sa notoriété, il la doit beaucoup à Brive, dont il est fidèle parmi les fidèles, depuis la création de la foire en 1982. "Elle a une signification particulière pour nous, les écrivains de la région. Le train du livre nous a fait connaître auprès des éditeurs parisiens, des critiques littéraires, des journalistes. Il a lancé notre carrière au niveau national", reconnaît-t-il. "Je l'ai vue grandir, attirer de plus en plus de visiteurs chaque année. Et malgré tout, elle a gardé sa saveur du Midi, les contacts sont chaleureux, les gens se parlent." Et même s'il avoue trouver fatigant de signer entre 1200 et 1500 livres en deux jours de foire, Signol est sans conteste un écrivain de salon. On le voit chaque année écumer les manifestations littéraires. Un bain de foule dont il a besoin. "J'écris dans la solitude d'un bureau : j'ai besoin de rencontrer mes lecteurs pour avoir un écho, savoir si ce que je fais est reçu. Pas forcément apprécié, mais au moins reçu."
Messages
Ecrivain du terroir au lectorat acquis, Christian Signol n'hésite pas aujourd'hui à user de sa notoriété pour faire passer quelques messages. "J'essaie d'écrire pour dire quelque chose. J'utilise de plus en plus mes livres pour donner mon point de vue", avoue l'auteur qui a assisté le 25 octobre à une table ronde organisée par Albin Michel et la mairie de Brive sur le thème de la protection des arbres, avec Philippe Raynard, directeur d'un centre de formation agricole et forestier, Brice Bonhomme, forestier, et Christian Beynel, du groupement forestier de Millevaches. Dans Au coeur des forêts, son dernier roman, il met en scène une nature blessée par la tempête de 1999 et des âmes déchirées entre deux univers : "J'ai voulu mettre en parallèle le monde contemporain et le monde ancien, confronter une société de plus en plus vivante, rapide, énergique, moderne en somme, avec une autre, l'ancienne, en voie de disparition, qui vit sur des décombres fumants. J'ai voulu parler des forêts qui disparaissent, des métiers du bois qui sont menacés, d'un monde en extinction."
"Je relâche toujours les poissons »
Sans se revendiquer militant écolo, Christian Signol se dit cependant concerné par la question de la protection de la nature : "Je plante des arbres, je suis très respectueux des végétaux et des animaux : je relâche toujours les poissons quand je pêche !" Mais si l'auteur reconnaît un certain engagement récent dans ses livres, pas question pour lui de faire de la propagande ou du prosélytisme : "Je suis avant tout l'écrivain d'un public : je ne peux pas prendre le risque de me trahir et de perdre au passage les gens qui m'aiment. Mes livres parlent avant tout de l'histoire commune des Français. Mes lecteurs sont nostalgiques, ils recherchent dans mes ouvrages ce qu'ils ont perdu et souhaitent recréer une unité dans leur vie à travers un retour à leurs racines."
Les enfants qui jouent sur la place du village, le travail dans les champs au petit matin, la veillée du samedi soir au coin du feu, la vie au ralenti. Pour Signol, tout ça "c'est fini ». Faut-il le regretter ? "Je ne pense pas, répond l'écrivain. Même si j'écris sur une réalité qui appartient au passé, il faut reconnaître que la modernité nous a apporté le progrès et une invention utile : Internet !" D'ailleurs, l'écrivain en est certain, la renaissance des campagnes françaises passera par le Web. "Je pense que ce mouvement de migration vers les villes peut s'inverser un jour grâce aux nouvelles technologies. Les grandes métropoles ne sont pas les lieux du bonheur, les gens y sont en état de survie. Les hommes, c'est comme les pommes, si on les entasse, ils pourrissent. Ça ne peut pas durer éternellement. La marche du monde va s'inverser et peut-être grâce au travail à distance..."
Ecrivain de la terre, Christian Signol cite Théodore Monod et Michel Serres, se réclame d'un mouvement similaire au « nature writing » américain, s'avoue grand lecteur de Thoreau, de Jim Harrison et d'Erskine Caldwell. Et balaie d'un revers de la main l'étiquette d'écrivain régionaliste qui lui colle à l'oeuvre depuis ses débuts : "On a taxé Jean Giono, André Chamson ou Maurice Genevoix de régionalistes... Las, nous n'écrivons pas que sur une région, nous écrivons sur le naturel en général", se défend-il. "Parler de régionalisme, c'est la manière du Paris des lettres qui stigmatise tous ceux qui ont le territoire sous les pieds. Aujourd'hui, si on écrit sur des sujets étrangers à la ville, on est étranger au monde. Mais le béton existe trop, il nous étouffe, c'est pour ça qu'il faut montrer qu'il existe une autre vie possible ailleurs."